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Entrepreneuriat innovant

Retour sur l’édition 2017 de TEDx Saclay.

Le 4 janvier 2018

Innover au service du vivant… Tel était donc le thème de cette édition 2017 TEDx Saclay, dont le florilège d’interventions nous invitait, par delà leur singularité, à cultiver notre sens de l’observation et de l’émerveillement, en montrant ce qu’on gagne à se parler « de cœur à cœur ».

L’intitulé de cette 3e édition pouvait avoir quelque chose de trompeur pour ceux qui découvraient tout à la fois TEDx Saclay et son écosystème de Paris-Saclay (si tant est que ce soit encore possible !) : ils auraient pu s’attendre à des talks très portés sur la technologie sinon la science autour de l’intelligence artificielle, des data et autres algorithmes, le tout au service d’un vivant pris en son sens le plus biologique voire cellulaire. Ce qui, au demeurant, n’aurait pas été inintéressant. Mais c’était oublier l’esprit des conférences TEDx : accueillir toutes sortes d’intervenants, qu’ils soient chercheurs ou pas, innovateurs ou pas, qui partagent la même envie de défendre une idée ayant transformé leur vie ou à même d’en faire autant avec le monde.
Esprit que TEDx Saclay a su de nouveau respecter à la lettre en conviant pas moins de 13 intervenants d’horizons très différents – en réalité 15, en comptant les deux retransmissions dont celle, hilarante, de Joachim de Posada, qui ne nous fera définitivement plus voir les chamallows de la même façon (que ceux qui trouveraient cette phrase bien sibylline, aillent visionner cette vidéo, mais, de grâce, après avoir fini la lecture du présent article… ; pour y accéder, cliquer ici).

De l’Intelligence artificielle, des data, des algorithmes…

A priori, rien de commun entre le mathématicien Cédric Villani, le designer Laurens van den Acker, la conteuse Sylvie Mombo, etc. Et pourtant, la magie a de nouveau opéré, chacun abordant de différentes manières la façon dont on pouvait comprendre l’invitation à innover au service du vivant.
D’intelligence artificielle, de data et d’algorithmes, il en fut bel et bien question. Et dès le premier talk, celui de Cédric Villani, qui devait donner le ton au reste de la soirée, en montrant que ces différents champs, pour sembler nous dépasser, porter atteinte à nos libertés, ouvrent en réalité des perspectives prometteuses. Auteur d’un rapport sur l’IE (en cours de rédaction), il s’est particulièrement focalisé sur celle-ci en pointant les impacts ambivalents qu’elle peut avoir au plan de la recherche, en termes de créations d’emplois, etc. Là où d’aucuns crient au loup, il invite à poser un regard plus mesuré. Significatif à cet égard est l’exemple d’AlphaGo sur lequel il est revenu (pour mémoire, c’est le nom du programme qui a débouché sur la première victoire d’une machine sur un joueur de go). Là où d’aucuns y ont vu la démonstration que l’homme était condamné à être dépassé par la « machine », il y voit, lui, une illustration de ce que l’IE peut lui apporter. Et si AlphaGo a démontré une chose déplaisante, c’est juste que l’homme n’était pas un si bon joueur de go qu’il le prétendait, mais qu’il pouvait progresser, en découvrant d’autres stratégies, grâce à l’IA, justement ! Pour autant, la victoire d’AlphaGo ne dit pas que la machine serait supérieure en toute circonstance. L’être humain manifeste des formes d’intelligence irréductibles à des algorithmes ou des équations… Si les données permettent de perfectionner nos connaissances, encore faut-il savoir les interpréter.
En outre, au stade de développement où elle se trouve, l’IA reste un enjeu de société et, à ce titre, doit être débattue publiquement. C’est aussi en ce sens qu’elle est intéressante. Gardons-nous de la condamner ou de l’encenser. Quoique son histoire soit plus ancienne, elle commence seulement maintenant à s’écrire à travers des applications concrètes susceptibles d’impacter vraiment notre quotidien et la société dans son ensemble.

… Au service de l’humain

En réalité, tout est question de regard sinon de point de vue. Selon la manière dont on aborde les innovations technologiques et les avancées scientifiques, qu’on se tient ou pas à distance d’elles, sans en comprendre vraiment les ressorts, elles peuvent entretenir un sentiment de peur, alimenter des scénarios catastrophes pour soi et l’avenir de l’humanité. Ou, au contraire, nous réconcilier avec la « machine », qu’elle soit technologique ou numérique.
C’est à peu près le message que faisait passer aussi le captivant Lê Nguyên Hoang. Polytechnicien et docteur en mathématiques, mais aussi philosophe dans l’âme, il a montré comment la pensée algorithmique dont d’aucuns dénoncent les dérives et menaces, gagne à être mieux connue : loin d’être en dehors du vivant, elle y participe pleinement. Mieux : « Beaucoup de nos problèmes algorithmiques, explique notre intervenant, ont été résolus par le vivant… ». On ne demande qu’à le croire et à le suivre dans sa démarche de médiation scientifique, qu’il poursuit à travers des vidéos accessibles sur la chaîne YouTube Science4All (pas moins de 100 000 abonnés au compteur !). Comment ne pas placer notre confiance en ce pédagogue, qui est tout de même parvenu à nous faire sentir la beauté d’une équation bayesienne de l’informaticien Ray Solomonoff ?!

Des technologies au service de notre regard

Reste que pas plus l’infiniment petit que l’infiniment grand ne sont observables à l’œil humain. Même si on croit en saisir quelque chose, ce n’est qu’un aspect de la réalité. C’est là que la technologie se révèle un précieux outil pour ne pas dire un allié. De fait, sans son microscope électronique à balayage ou sa caméra infrarouge, Maëlle Vilbert, étudiante Ingénieure à l’IOGS, et ses collègues du Muséum national d’histoire naturelle, n’auraient pu percevoir ce que cachait l’apparente transparence des ailes de papillons néotropicaux. Sans les sondes envoyées depuis la terre, Miho Janvier, l’astrophysicienne de l’Institut d’Astrophysique Spatiale, n’aurait pu analyser les tempêtes solaires et commencer à réfléchir à leurs impacts sur nos réseaux de télécommunications. Sans les ressources de la réalité virtuelle (objet d’un passionnant projet qu’elle mène), elle n’aurait pu non plus amener le public au cœur du soleil…
De là à laisser penser que la technologie permettrait de tout faire, il n’y a qu’un pas qu’aucun intervenant ne s’est risqué à franchir. Tous ces instruments sophistiqués, qui ont demandé beaucoup d’ingéniosité dans leur conception et en demandent encore dans leur manipulation, n’auraient rien décelé sans la curiosité des chercheurs eux-mêmes, leur capacité à interpréter les données qu’ils en obtiennent. Car c’est une chose d’en disposer, c’en est une autre de savoir les lire, surtout quand elles sont massives comme aujourd’hui, à l’heure du big data. C’est là qu’intervient l’intelligence proprement humaine, que Miho, encore elle, a su illustrer à travers l’exemple des images du soleil produites par les sondes. On ne parviendrait à rien non plus sans, parfois, une certaine audace comme celle consistant à escalader la canopée d’une forêt dense d’Amérique du sud, à braver le froid où le risque de découvrir d’étranges bêtes dans ses chaussures mal rangées, ainsi que l’illustrait, cette fois, Maëlle à travers le récit de la quête de ses étranges papillons.

Au-delà… des préjugés

Changer le regard jusque dans la manière d’appréhender les jeux vidéos, qu’on a tôt fait d’accuser de provoquer le repli sur soi et d’incliner à la violence. Il suffisait d’entendre Kayane, toute jeune professionnelle reconnue de ces jeux, mais aussi des combats vidéos, pour se convaincre du contraire. Elle qui eut de surcroît le mérite de s’imposer dans un univers masculin, lequel, de son propre aveu, se révèle plus divers et enclin au fairplay que d’autres préjugés peuvent le laisser penser.
Un témoignage qui mettait bien en exergue cette autre particularité des TEDx en général et de celui de Saclay en particulier, qui fait qu’on les aime tant : sous couvert de parler d’innovation au service du vivant, c’est d’eux dont parlent aussi les intervenants, en donnant à voir des trajectoires de vie faites de passions, de rêves – et sans doute aussi d’épreuves dont ils savent aussi parler avec tact, sans pathos.
Un autre mérite de cette soirée et non des moindres aura été de nous inviter à sortir de nos routines et quitter nos œillères pour voir la réalité sinon l’avenir sous un autre jour, avec plus d’optimisme (sans pour autant verser dans la béatitude). C’était tout le sens des « Et si… ? » par lesquels Assya introduisaient chacun talk, en suggérant bien par là que le simple fait de renverser une proposition peut ouvrir de perspectives insoupçonnées, plus encourageantes. Ce qu’on croit n’être que contrainte, obstacle, empêchement, impossibilité,… peut se révéler être l’opportunité de solutionner enfin un problème. Une posture qui est aussi une invitation à faire davantage confiance à ce que l’avenir peut nous réserver, y compris dans sa dimension technologique et scientifique, dans la capacité des hommes à en faire bon usage, aussi.

De l’art du pas de côté

Ce qui suppose de savoir faire au moins un pas de côté… On comprend mieux en quoi les artistes sinon les esprits philosophes nous sont précieux et ont, donc, toute leur place dans un univers scientifique et technologique : par leur aptitude au décalage, à sortir des sentiers battus, ils aident à prendre du recul, à lever la tête du guidon, en l’occurrence de ces équations mathématiques et autres algorithmes, pour y déceler des correspondances avec d’autres univers, à commencer par le vivant…
Et si, donc, l’intelligence artificielle pouvait nous aider à progresser dans le domaine de la santé ? (On reconnaîtra la perspective ouverte par Cédric Villani). Et s’il suffisait d’observer le plus puissant des ordinateurs naturels – le cerveau – pour inventer celui de demain, bio-inspiré, donc ? (Une perspective proposée, cette fois, par Julie Grollier, directrice de recherche au CNRS/Thalès, et, assurément à creuser quand on sait le coût énergétique de nos systèmes informatiques). Et si le vivant nous en apprenait plus que ce qu’on pensait sur les algorithmes ? (On aura, cette fois, reconnu Lê…). Et si la blockchain était la solution pour renouer un lien de confiance avec l’industrie pharmaceutique ? (Un questionnement soulevé par Anca Petre, étudiante en pharmacie à l’Université Paris-Sud et en Management à l’INSEEC). « Et si, au sein d’une organisation, l’enjeu était moins de savoir diriger que de créer un environnement favorable à la créativité des personnes ? » (L’entrepreneur Alexandre Gérard à propos de l’entreprise libérée).
Si, donc, il fut question de technologies et de sciences, au cours de cette édition 2017, il fut aussi question de facultés très élémentaires : le sens de l’observation, de l’émerveillement, la curiosité. Sans oublier celle-ci : croire en ses rêves, quitte à admettre qu’ils peuvent emprunter d’autres chemins : à l’instar de celui de Miho (devenir astronaute), qui l’aura finalement conduite à devenir astrophysicienne, spécialiste des tempêtes solaires ! Ou encore cet art apparemment archaïque, relevant d’un autre temps, consistant à conter. Il fallait voir l’émotion qui a irradié la salle à l’écoute du talk de Sylvie Mombo pour se rendre compte de la puissance de cette forme de récit, du bienfait qu’elle peut produire auprès des 7 à 77 ans, y compris dans un milieu très scientifique et technologique.

Quand TEDx Saclay creuse son sillon

Au final, force était de se rendre à cette évidence : au prétexte d’innover au service du vivant, les intervenants creusaient le sillon des éditions précédentes de TEDx Saclay. Miho, pour ne citer qu’elle, aurait pu déjà nous éblouir lors de la première sans changer la moindre virgule à son talk. Tous auraient pu illustrer la manière d’aller « au-delà des limites », de toutes les limites : psychologiques (en bravant notamment ce sentiment de peur, qui nous taraude si souvent), professionnelles (en n’hésitant pas à combiner plusieurs expériences), disciplinaires (en sachant s’ouvrir à d’autres spécialités que la sienne),…
En creusant ainsi son sillon, TEDx Saclay n’en réserve pas moins chaque année des surprises et des phrases qui ont la force d’un mantra. Plusieurs trottent encore dans notre tête au moment de rédiger cet article : « Parions sur une technologie [la blockchain, en l’occurrence], qui, au lieu de nous éloigner les uns des autres, nous rapproche » (Anca Petre) ; « La transparence, ce n’est pas que du vide, elle peut être complexe » (Maëlle Vilbert) ; « Ce qui me touche, c’est que des chercheurs se posent tant de questions à propos des ailes d’un simple papillon » (encore Maëlle) ; « Sans notre aptitude à nous émerveiller, nous n’aurions jamais su ce qui se passe dans nos corps, comment volent les oiseaux, comment naissent les étoiles, etc. » (Miho). Et last but not the least : « Les mots qui viennent de la bouche atteignent les oreilles, ceux qui viennent du cœur touchent le cœur » (Sylvie Mombo).

A suivre…

Voilà pour un premier témoignage sur cette édition 2017 de TEDx Saclay. Nous vous proposons d’autres échos à cette édition à travers une première série d’entretiens réalisés sur le vif au gré des rencontres au milieu ou aux abords de la bien nommée « rue de la sérendipité » de CentraleSupélec. Par ordre alphabétique, ceux de…

Sylvain Gasdon, le célèbre traiteur d’Orsay, qui a été en charge d’animer le Village Dégustation (mise en ligne à venir) ;

Claudia Marcelloni, de TEDx Cern, qui retransmettait en direct et pour la première fois le TEDx Saclay (mise en ligne à venir) ;

Sylvie Mombo, la conteuse, que nous avions déjà eu l’occasion d’interviewer (pour accéder à l’entretien, cliquer ici), et qui a bien voulu nous livrer ses impressions sur sa première (nous lui en souhaitons bien d’autres) expérience TEDx (mise en ligne à venir) ;

Guillaume Monnain, auquel on doit les désormais fameuses « capsules » de TEDx Saclay (mise en ligne à venir) ;

– enfin, Christian Van Gysel, qu’on ne présente définitivement plus (mise en ligne à venir).

A lire aussi l’entretien qu’Assya Van Gysel nous avait accordé en amont de l’événement – cliquer ici.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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