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Entrepreneuriat innovant

Paris-Saclay à l’heure de l’innovation… frugale.

Le 26 octobre 2016

Nous l’avions connu comme directeur du 503. La première conférence TEDx Saclay fut l’occasion de découvrir son engagement en faveur de l’innovation frugale. Il a bien voulu nous en dire plus avant de mettre le cap sur la ville de Redon. Tout en entretenant des attaches avec l’écosystème Paris-Saclay.

– Au cours de votre conférence TEDx Saclay, vous aviez présenté l’innovation frugale. Si vous deviez en rappeler pour commencer les principes…

En première approche, on pourrait dire qu’elle consiste à faire plus avec moins, en utilisant au mieux les ressources locales, pour fabriquer des objets ou proposer des services qui répondent aux besoins de populations sans grands moyens économiques. C’est dire si on en a toujours fait, sans le savoir. On doit cependant au franco-indien Navi Radjou, le mérite de l’avoir mise en lumière dans les pays émergents aussi bien que dans les pays dits riches comme le nôtre, à travers l’ouvrage coécrit avec Jaideep Prabhu, L’Innovation frugale. Comment faire mieux avec moins ? [éditions Diateino].

– Comment y êtes-vous venu ?

Par cet ouvrage, justement. Cependant, avec le recul, je pense que plusieurs choses m’y avaient prédisposé. A commencer par mes nombreux voyages effectués en Inde, au Népal, en Amérique du Sud, au Mali… autrement dit dans des parties du monde où on manque a priori de tout ; où, parfois, il n’y a pas même de notion d’argent – les échanges se font sur la base de trocs et la mutualisation des ressources naturelles des alentours, à travers le glanage ou la cueillette. Ces voyages m’ont durablement marqué. A chaque fois, je vivais au milieu des gens, en observant et en expérimentant, avant même d’y mettre un mot, ce principe de frugalité que Navi Radjou applique à l’innovation.

Ensuite, il y eut, en 2005, une expérience  liée à l’année de la physique : j’avais été invité au Pérou, à participer à une conférence sur la spectroscopie, dont un des objectifs était le développement des laboratoires de recherche scientifique, dans des pays d’Amérique du Sud ne disposant pas, a priori, des moyens de les financer. J’ai rencontré à cette occasion des membres de l’European Physical Society (EPS), qui travaillaient sur des projets de type « Physics for development ». Le principe : solliciter le savoir-faire et l’expérience de chercheurs seniors de pays du Nord, pour aider des pays du Sud, à construire des laboratoires « low cost », en quelque sorte, en considérant qu’il n’y avait pas besoin de matériel luxueux pour donner aux jeunes le goût de l’expérimentation et de la recherche. Je suis depuis resté en contact avec les membres de cette association, ce qui doit sans doute expliquer aussi mon intérêt pour l’innovation frugale.

Plus tard, en octobre 2012 , j’ai assisté à la 1ere conférence « Physics for development » de l’EPS  : des étudiants de pays du Sud (du Bangladesh, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire ou encore du Maghreb, etc.) avaient été invités à présenter leurs projets d’instrumentation à faibles coûts. La manifestation draina de nombreuses personnes et eut d’importantes répercussions. Mais mon intérêt pour celle-ci ne doit pas non plus être étranger au fait que je pratique la voile…

– Quel rapport y-a-t-il avec l’innovation frugale ?!

Il tient tout simplement au fait que, quand vous êtes confronté à une avarie, en pleine mer, vous n’avez pas d’autre possibilité que de la réparer avec les ressources du bord ! Plus anecdotique, j’ai été aussi chasseur de papillons en Amazonie. Là encore, en cas de problème, vous n’avez pas d’autres moyens que de vous appuyer sur les ressources qui sont à portée de mains !

– Et professionnellement, qu’est-ce qui vous y a prédisposé ?

Rien a priori. Quoique… J’ai été directeur commercial d’une société cotée en bourse… A mes interlocuteurs financiers, j’avais coutume de dire que, nous autres, physiciens de formation, nous savions ce qu’est le phénomène de la saturation. Un avantage par rapport aux financiers qui s’amusent à cultiver des bulles spéculatives jusqu’à ce qu’elles éclatent…

– Et le fait d’avoir dirigé le 503, entre 2013 et 2015,dans quelle mesure cela vous a-t-il prédisposé à l’innovation frugale ? Aviez-vous d’emblée envisagé votre nouvelle fonction comme un moyen de la promouvoir auprès de jeunes a priori orientés vers les technologies de pointe ?

L’expérience du 503 m’a davantage permis de découvrir les principes du design thinking, lequel n’est pas si éloigné que cela de l’innovation frugale. Après tout, il s’agit de définir un produit (de sa conception à son recyclage en passant par sa fabrication et sa maintenance) à partir des usages. J’ajoute que c’est au cours de mes années passées au 503, que j’ai découvert le premier ouvrage de Navi Radjou,en 2014, précisément. Depuis lors, j’ai souhaité introduire l’innovation frugale dans le cadre de projets de start-up mais aussi voir dans quelle mesure elle pourrait intéresser des industriels.

– Est-ce à dire que, dans votre esprit, l’innovation frugale que vous aviez éprouvée à travers des expériences de pays du Sud, valait aussi pour les pays dits développés ?

Oui, bien sûr. D’ailleurs, je considère que plusieurs innovations sociétales en relèvent déjà : je pense en particulier aux MOOC, à l’économie circulaire, etc. A chaque fois, il s’agit de faire plus avec moins de ressources et donc moins d’impact sur nos écosystèmes naturels.

– Un mot sur l’Innovation Summer Camp de l’Université de Paris-Saclay dont les deux premières éditions ont été mises en place par le 503. L’événement ne participait-il pas aussi de cette logique de l’innovation frugale ?

Si, dans la mesure où la petite trentaine d’étudiants qui y ont participé la première fois étaient invités à investir le territoire de Paris-Saclay en mode exploration pour y recueillir des idées et rassembler des ressources. Par exemple, les participants ont dû se rendre au PROTO204, depuis le 503, à la nuit tombée, avec une lampe frontale. Cette dimension exploratoire est essentielle. Elle incite à être attentif, à observer, à faire l’effort d’aller à l’autre pour combiner des compétences.

– Dans quelle mesure cette innovation frugale participe-t-elle de l’économie dite du partage ou collaborative ?

Toutes ces notions participent de la même idée ou découlent à tout le moins du même constat : nos organisations sociales et politiques ont pris l’habitude de vivre au-dessus de leurs moyens. Or, nous vivons dans un monde de dimension finie, la richesse n’est pas extensible. Il nous faut donc apprendre tous à vivre mieux avec moins, stopper les gaspillages de ressources premières, en optimiser l’usage en les mutualisant.

Pour autant, il ne s’agit pas de revenir au temps de la chandelle. L’innovation frugale vit pleinement à l’heure d’internet et du numérique, qui favorisent la circulation des idées, les échanges, les collaborations entre pays du Nord et pays du Sud, mais aussi une adaptation des solutions à travers une démarche itérative : quiconque transpose une innovation en l’adaptant aux ressources locales peut enrichir la dynamique en faisant profiter de son retour d’expérience.

L’idée est que tout un chacun puisse se procurer les biens essentiels, pour se nourrir, se chauffer, s’éduquer mais aussi se déplacer, communiquer… Il n’est pas normal que certains puissent se déplacer, appeler depuis un portable, suivre un cours à l’Université et que d’autres ne puissent pas le faire. Lutter contre les inégalités, sans accumuler pour autant plus de richesse : ce pourrait être une autre manière de définir l’innovation frugale. Dans cette perspective, on peut considérer que la voiture low cost, pour ne prendre que cet exemple, participe bien à l’innovation frugale. La voiture n’est peut-être pas le meilleur exemple, tant elle peut être source de pollutions, mais, enfin, l’idée est bien là : revenir aux besoins essentiels, arrêter cette course aux produits de plus en plus sophistiqués qui les rendent d’autant moins accessibles à la majorité de la population.

– A vous entendre, l’innovation frugale n’est pas simplement une autre manière d’innover. C’est une démarche porteuse d’un autre modèle de société…

Oui, c’est une innovation qui contribue à lutter contre les inégalités, en permettant à tout un chacun d’accéder aux biens essentiels, dépourvus du superflu. J’aime bien aussi cette autre idée, à savoir que l’innovation n’est pas l’apanage d’une élite éduquée, mais à la portée de tous. Après tout, un prototype commence avec des bouts de ficelles, au sens propre comme au sens figuré. Les grandes inventions n’ont pas toutes été issues d’équipements sophistiqués. Des fondamentaux auxquels les écoles d’ingénieurs reviennent d’ailleurs en se dotant de FabLab.

– Qu’avez-vous entrepris pour promouvoir cette innovation frugale ?

Dans un premier temps, en octobre 2014, j’ai, avec mes amis de l’European Physical Society, entrepris d’organiser la deuxième édition de la conférence « Physics for development » sur Paris-Saclay. Le projet a suscité l’intérêt de la Fondation de Coopération Scientifique (FCS) de Paris-Saclay, à qui je l’avais soumis. Dominique Vernay, encore président à l’époque, et Pierre Gohar, le directeur de l’innovation, ont souhaité aller plus loin en créant une chaire industrielle dédiée à cette innovation. Laquelle a vu le jour en novembre 2015. Elle est codirigée par trois institutions (Telecom ParisTech, l’Institut d’Optique Graduate School et AgroParisTech), et son activité est à suivre sur  http://chaire-i3f.fr. L’innovation frugale a aussi trouvé son espace de développement sur le Campus de Paris-Saclay.

– N’y-a-t-il pas un paradoxe à promouvoir de l’innovation frugale dans un campus d’excellence mondiale, mobilisant d’importants investissements en termes d’aménagement et de programmes de recherche ?

Non, au contraire. L’innovation frugale porte des valeurs qu’un campus qui a l’ambition d’être de stature mondiale, ne peut que s’enorgueillir de promouvoir. Je pense que Dominique Vernay et Pierre Gohar ont été sensibles à un projet fédérateur tant du côté de la recherche que des entreprises qui participent au campus sinon au cluster. De fait, l’innovation frugale est d’autant plus fédératrice que personne ne peut prétendre en être un spécialiste et encore moins en faire tout seul dans son coin ! Elle implique nécessairement une collaboration entre des personnes d’horizons professionnels et disciplinaires variés.

Naturellement, l’innovation frugale est aussi motivante pour les étudiants eux-mêmes, à commencer par ceux engagés au sein d’ONG, soit tout de même de l’ordre de 5 à 10% des élèves ingénieurs. La perspective de collaborer avec des étudiants de pays du Sud les intéresse tout autant que des chercheurs.

– Est-ce à dire que l’innovation frugale ne s’oppose pas à la poursuite des efforts consentis en faveur d’une innovation technologique ?

Non. Les deux sont complémentaires. Je dirai même que les principes de l’innovation frugale peuvent s’appliquer à l’innovation tout court, dans la mesure où elle invite à se poser les bonnes questions avant d’engager un investissement. Un laboratoire souhaite investir dans un équipement très coûteux ? Assurons-nous d’abord qu’il n’y ait pas d’alternatives, à commencer par une mutualisation avec d’autres laboratoires.

– D’ailleurs, dans quelle mesure le 503, aménagé dans un bâtiment ancien réhabilité avec une économie de moyens, n’incarne-t-il pas cette innovation frugale ?

Depuis sa création, et avant même que je ne le rejoigne, le 503 s’est imposé comme un modèle d’innovation frugale. Il est parti de l’existant, s’est aménagé au fur et à mesure, en fonction des besoins et des moyens. Bref, il a fait au mieux avec les ressources dont il disposait.

J’irai plus loin en considérant que créer une start-up participe aussi de l’innovation frugale. Et pour cause : le plus souvent, les fondateurs ne disposent pas de beaucoup de moyens financiers, du moins au début de l’aventure. Ils ont d’ailleurs à peine de quoi se rémunérer. C’est d’ailleurs pourquoi ils doivent pouvoir compter sur des prêts d’honneur, des subventions voire du love money ou du crowdfunding avant de procéder éventuellement à des levées de fonds. Forcément, cela incline à la frugalité, mais aussi au collaboratif. De même, les FabLab, en mutualisant les outils et équipements, y participent à leur façon.

Bref, la notion d’innovation frugale offre l’intérêt de mettre un mot sur un modèle économique auquel participent toutes sortes de pratiques et d’initiatives qu’on a tendance à considérer isolément, sans en percevoir la cohérence d’ensemble.

– Au-delà du 503, quels sont les autres facteurs de Paris-Saclay susceptibles de contribuer au développement de cette innovation frugale ?

Tous ces gens, chercheurs et entrepreneurs, qui œuvrent à la croisée de l’innovation et de la frugalité ! Parmi les intervenants à la première conférence TEDx Saclay, je pense en particulier à Jean-Guy Henckel, le créateur du Réseau Cocagne. Que sont ses jardins de réinsertion économique par une activité maraîchère, si ce ce n’est de l’innovation frugale sociale, au service d’hommes et de femmes que la vie a fragilisés ?

– A propos de jardin, vous me faites penser au célèbre « paysagiste jardinier » Gilles Clément, qui a cette formule : «  observer plus pour jardiner moins ». Fait-elle sens pour vous ?

Oui, bien sûr. Le sens de l’observation est essentielle, y compris pour de l’innovation frugale. Elle parle aussi au navigateur que j’essaie d’être, qui a tout intérêt à regarder le ciel avant de prendre la mer ! Sans ce sens de l’observation, comment anticiper les réglages au cours d’une transat ou en Antarctique ?

Mais l’observation ne s’applique pas qu’au paysage ni à la navigation. De manière générale, c’est important de prendre le temps d’observer les êtres humains, si, tout simplement, vous voulez les comprendre. A fortiori si vous êtes un entrepreneur. Les produits que vous développez ne rencontreront pas les utilisateurs, si vous n’avez pas pris le temps de cerner leurs besoins en observant leurs usages. C’est par un art de l’observation que vous pouvez être dans une vraie démarche d’innovation économe, parce qu’itérative, procédant par essai-erreur.

– La notion d’innovation est spontanément associée à la prise de risque. Est-ce le cas de l’innovation frugale ?

Sans aller jusque-là, je dirai qu’elle implique de sortir de sa zone de confort. Ce à quoi m’a manifestement préparé un vieux Jésuite, qui m’avait dit, alors que je n’avais que 20 ans : «  Le seul péché mortel, c’est de s’installer ! » La phrase m’est depuis restée. De fait, il faut savoir se remettre en cause. On peut être heureux dans la vie, mais à la condition de ne pas se satisfaire de ce que l’on est ! Ce serait contraire à l’innovation sociale. On ne gagne jamais rien à s’enfermer dans des routines.

Davantage que pour un goût du risque, c’est pour essayer d’augmenter la durée de vie de l’espèce humaine sur terre, qu’on s’engage dans l’innovation frugale, étant entendu qu’on sait que nous (l’être humain et l’espèce humaine) ne sommes que de passage. Si seulement les personnes qui exercent des responsabilités gardaient à l’esprit cette notion de passage ! Cela relativiserait l’intérêt de bien des choses. Au lieu de cela, on cherche à accumuler toujours plus ; en entretenant l’illusion d’être immortel.

Loin d’alimenter un nihilisme, cette notion de passage incite juste à œuvrer pour allonger le temps de l’existence autant que possible, car la vie est une expérience extraordinaire Veillons cependant à ne pas contrarier les chances des générations futures d’en jouir aussi.

– Revenons à votre pratique de la voile. Dans quelle mesure cette vision pour ne pas dire philosophie de l’existence, empreinte de modestie, d’humilité, vous a-t-elle été inspirée par l’expérience de la navigation, qui expose par définition au risque de se retrouver au milieu des éléments déchaînés…

(Rire) Le fait est : quand on navigue au milieu des océans, on se sent particulièrement petit. On doit se faire accepter, composer avec les éléments et non pas chercher à se dresser contre eux. La navigation, c’est aussi un cap qu’on se fixe et auquel on se tient en se préparant à affronter des écueils et des tempêtes. On peut échouer (dans tous les sens du terme), repartir, louvoyer, se mettre à la cape, mais quel plaisir d’arriver à destination !

– Est-ce à dire que la navigateur serait aussi une métaphore de l’entrepreneur ?

Complètement !

– Où en est-on aujourd’hui  en matière d’innovation frugale ?

Elle fait de plus en plus parler d’elle. Sur le Campus de Paris-Saclay, elle a été l’objet en mai 2016 d’un hackathon, organisé à l’initiative d’AgroParisTech dans le cadre de la chaire industrielle I3F. Après un an d’expérimentation, il a été décidé de passer à la vitesse supérieure. Reste à trouver des sponsors industriels.

– Quel écho l’innovation frugale a-t-elle justement auprès de ces derniers ?

De plus en plus d’industriels manifestent un intérêt pour elle. Manifestement, on assiste à une prise de conscience de la nécessité de changer de modèle de production et de consommation. Mais aussi de ce qu’il leur en coûte de maintenir des efforts en matière de R&D. Les entreprises commencent à comprendre que ce n’est pas en doublant le budget dédié à celle-ci, qu’elles vont doubler leur capacité d’innovation. De plus en plus se préoccupent de savoir comment innover à moindre coût. De même, de plus en plus commencent à percevoir l’intérêt à concevoir des produits low cost pour toucher une population, certes à plus faibles revenus, mais plus nombreuses, plutôt que des produits sophistiqués qui ne s’adresseront qu’à une niche. Soit les principes du social business popularisé notamment par Muhamad Yunus, celui-là même qui a développé la microfinance.

Mais l’innovation frugale n’intéresse pas que les entreprises. Elle intéresse aussi les ONG et associations qui peuvent mettre à profit leur connaissance locale des populations pour concevoir des produits ou services adaptés à leurs besoins et leurs ressources. On peut citer aussi les projets menés par l’International Centre for Theorical Physics, à Trieste [Italie], soutenu par l’UNESCO, qui mène en proche collaboration avec des chercheurs locaux des projets de déploiement de réseaux de communication sans fil. Ainsi, ils ont réussi à supplanter l’offre des opérateurs occidentaux classiques, grâce, justement, à leur meilleur connaissance du terrain.

C’est dire aussi si l’innovation frugale va de pair avec la mise en place d’un nouveau modèle économique. A cet égard, autant le reconnaître, nous ne sommes qu’au début de la réflexion. Ce modèle économique reste à définir.

– Comment vous êtes-vous retrouvé à faire une conférence TEDx Saclay sur ce thème ?

Les choses se sont faites simplement. Assya Van Gysel s’est rendue un jour au 503. En passant devant mon bureau, elle a vu l’ouvrage sur l’innovation frugale. Il se trouve qu’elle-même le connaissait. Elle m’a aussitôt proposé de faire une conférence sur ce thème. C’est ainsi que les choses se sont produites : une porte de bureau ouverte, une rencontre fortuite, un livre…

– Une affaire de synchronicité, comme elle dirait…

C’est effectivement cela !

– Vous partez à la retraite. Rompez-vous pour autant les amarres avec Paris-Saclay ?

J’ai consacré 38 ans de bons et loyaux services à l’industrie mais aussi la recherche au sens où mes clients étaient pour l’essentiel des scientifiques. J’ai notamment travaillé au sein de Quantel, le spécialiste des lasers, installé aux Ulis. Quand j’y suis rentré comme ingénieur R&D, la société ne comptait que 45 personnes. Lorsque je l’ai quittée, comme directeur commercial, elle en comptait 320. J’ai donc oeuvré avec mes collègues dans la création d’emplois. J’ai par ailleurs été Conseiller du Commerce extérieur de la France. A ce titre, je suis intervenu dans des BTS de commerce international, assumant, cette fois, ma part dans la transmission auprès des jeunes.

Bref, j’estime qu’il est temps de repartir vers une autre aventure ! Une retraite qui restera somme toute active : je compte poursuivre mes activités de consultant, ne serait-ce que pour faire profiter de mon expérience, de l’industrie et de l’international, à ceux qui le souhaitent, y compris des startuppers.

– Et sur le territoire de Paris-Saclay ?

Je connais bien ce territoire pour y avoir fait mes études d’ingénieur, à Supélec précisément. C’était au milieu des années 70. J’y ai fait aussi toute ma carrière : au LCR de Thomson-CSF, d’abord, avant de travailler sur la zone de Courtabœuf, pour terminer comme directeur du 503. Au total, cela fait donc 40 ans que je fréquente ce territoire. Mais, aujourd’hui, je n’y ai plus d’attaches personnelles. Mes enfants vivent en province après avoir fait leurs études sur Paris-Saclay.

Je me suis investi à mon humble niveau dans le projet Paris-Saclay, maintenant je me « désinstalle » pour me consacrer à d’autres passions, à commencer par la navigation. Je me suis rapproché de la mer, en m’installant à Redon. Je continuerai également d’être éducateur en école de rugby, toujours dans ce souci de la transmission.

Pour autant, je ne romprai pas toutes les amarres, pour filer la métaphore. Un ancien chercheur du CEA, m’a invité à participer à un groupe de travail au sein de la Société française de physique, sur le thème de la « Physique sans frontières ». L’objectif est de soutenir des projets à l’étranger, en matière d’instrumentation de recherche low cost.

– Preuve s’il en était besoin aussi que les écosystèmes ne sont pas étanches, Paris-Saclay pas plus qu’un autre. Qu’on peut y œuvrer, même à distance…

En effet. Si la finalité de Paris-Saclay est de gagner en visibilité, c’est bien pour s’ouvrir à l’extérieur, en accueillant des chercheurs, ingénieurs et étudiants du monde entier, le temps d’une formation ou d’un projet. Et puis, en m’installant à Redon, je n’ai pas l’impression de quitter définitivement Paris-Saclay. Je suis à 45 mn de TER de Rennes, d’où on peut se rendre à Massy, en TGV. Enfin, Redon n’est pas sans m’évoquer Paris-Saclay : cette ville de l’Ille-et-Vilaine est membre d’une communauté d’agglomération à cheval sur trois départements et deux régions ! Quelle richesse mais aussi quelle envie cela donne de renverser les murs administratifs ! En commençant à regarder autour de moi, j’ai découvert des fermes collaboratives, un théâtre populaire construit en planches dans une ancienne carrière, un espace de co-working au premier étage d’un café de village, des FabLabs qui ne se nomment pas comme tels… Autant d’exemples qui seront sujets de discussion et d’échange avec les acteurs de Paris-Saclay lors de mes prochaines visites.

iconoaubourg2epaysage2Un exemple d’innovation frugale musicale : un arc musical Ashaninka en Amazonie – une feuille, deux herbes  et la bouche comme caisse de résonance !  Crédit : Philippe Aubourg.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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