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Nouvelles tendances dans les résidences étudiantes.

Le 3 février 2014

Suite de notre entretien avec Caroline Ziajka, de l’agence Patrick Schweitzer & Associés Architectes – S&AA, qui revient sur les tendances actuelles en matière de résidences étudiantes.

Pour accéder à la première partie de l’entretien avec Caroline Ziajka, cliquer ici.

– Et vous-même, que proposez-vous ?

A défaut de proposer des chambres en colocation, nous prenons en charge jusqu’à la conception du mobilier, que nous dessinons nous-mêmes, pour l’intégrer au mieux dans l’espace de vie de l’étudiant. Notre prêtons aussi beaucoup d’attention aux espaces communs. De tels espaces soulèvent cependant des questions sur leur surveillance. C’est pourquoi nous échangeons avec le maître d’ouvrage et le futur gestionnaire. Au-delà des espaces communs, nous réfléchissons également au système de distribution au sein d’une résidence. Classiquement, on privilégie les tracés linéaires – les couloirs – pour accéder au plus vite aux chambres. Nous avons, nous, pris le parti d’opter pour des parcours plus propices à la déambulation et à la rencontre.

– Des exemples ?  

Je citerai pour commencer le projet présenté au concours de conception-réalisation de la 2e Maison de l’Ingénieur et de l’architecte (M.I.A.) destinée aux étudiants de l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Strasbourg. Elle devait être construite sur une route passante, la route du Rhin, qui relie Strasbourg et Kehl en Allemagne. Nous avions donc proposé un bâtiment en U en orientant les logements étudiants vers un cœur d’îlot planté. Les circulations étaient traitées non pas de manière linéaire, mais discontinue, jalonnée d’espaces communs. Nous avions proposé de libérer un rez-de-chaussée pour accueillir les équipements publics et assurer l’interface avec l’extérieur et le cœur d’îlot aménagé en espace public et de vie pour les étudiants. Ce qui a impliqué un effort de rationalisation de l’espace des chambres. La solution a résidé dans la conception d’un mobilier intégré. Autres projets, en cours de réalisation ceux-là : des logements pour les étudiants de l’Ecole Catholique des Arts et métiers (ECAM), de l’IUT Louis Pasteur et de l’Ecole Européenne de Chimie, polymères et matériaux (ECPM), à Cronenbourg. 120 chambres au total, dont la livraison est prévue à échéance de juillet 2015. Nous avons proposé de libérer au moins un plateau pour les activités communes, avec une salle de sport car il n’y en avait pas d’accessible aux alentours. A l’étranger, nous avons réalisé des logements pour une cité universitaire marocaine. La problématique était différente : il fallait prendre en compte la division homme/femme ; le fait aussi que les chambres sont partagées par 4-6 personnes…

– Venons-en justement à cette nouvelle donne : du fait de la mondialisation de l’enseignement supérieur, des résidences accueillent des étudiants de diverses nationalités. Dans quelle mesure prenez-vous en compte cette réalité ?  

C’est un vrai défi. Il nous faut prendre en compte les différences culturelles, comprendre les attentes des uns et des autres, leur mode de vie. Nous sommes donc attentifs à ce qui se fait à l’étranger. Les étudiants n’en partagent pas moins des aspirations communes. En principe, ils sont là pour travailler, mais aussi faire des rencontres, discuter, refaire le monde. Car c’est aussi à travers ces échanges, ces discussions avec des étudiants venus d’autres pays qu’ils apprennent. De là notre attention aux espaces collectifs.

– Comment l’architecte que vous êtes parvient-elle à résoudre l’équation entre vie privée et vie collective, tout en tenant l’autre équation, financière, celle-là ?  

En effet, il y a un budget qu’il faut respecter. Les contraintes financières sont d’autant plus fortes que les programmes de résidences étudiantes ne sont pas a priori les mieux dotés, compte tenu des populations auxquelles elles sont destinées : des populations de passage. Nous tâchons de faire au mieux en discutant avec les différences parties prenantes (le maître d’ouvrage et le gestionnaire). L’architecture est aussi une affaire de conviction et de négociation… Cependant, il est toujours possible de réduire les coûts jusqu’à certaines limites, en recourant à la préfabrication des façades, des salles de bain etc. Notre agence a en outre une longue expérience dans la construction HQE, de bâtiments basse consommation ou bâtiments passifs, qui nous incline à toujours anticiper sur les coûts de gestion et de maintenance.

– Jusqu’où les nouvelles normes énergétiques s’appliquent-elles à des résidences habitées par des populations qui ne font que passer ?  

La question se pose en effet. Les résidences étudiantes ont pour particularité de ne pas être occupées toute l’année. Pour la M.I.A. 2, nous avions l’intention de mettre des panneaux solaires. Restait à savoir ce qu’on ferait de l’énergie produite, quand les étudiants ne sont pas là… Avec un bureau d’études, nous avons réfléchi à la possibilité d’en faire profiter les logements ou bureaux situés à proximité. Nous ne sommes qu’au début de cette réflexion. Peut-être sommes-nous encore un peu prisonniers du concept de résidence étudiante qui, selon d’autres moments de l’année pourraient accueillir d’autres populations : des chercheurs ou enseignants étrangers de passage, voire des touristes…

– Un mot sur les enjeux de la rénovation…  

C’est un sujet important. Nous en faisons déjà pour le logement des particuliers, pas encore pour les logements étudiants. Le défi est d’abord technique : il faut améliorer la performance, mais aussi agrandir les chambres tout en aménageant des espaces communs, faire des extensions en agrandissant les façades. Il faut se préoccuper aussi de l’acoustique. Dans les anciennes cités étudiantes (conçues avec des chambres de 9 m2 et des sanitaires communs), les étudiants n’investissent pas les lieux, préfèrent aller travailler en bibliothèque. Les nouvelles résidences doivent être davantage conçues comme des lieux de vie. Cela représente certes un investissement, mais il mérite d’être consenti. Après tout, les étudiants d’aujourd’hui sont les actifs de demain, quand ils ne le sont pas déjà pour financer leur logement…

– Au fil de vos projets, avez-vous éprouvé le besoin de dresser une typologie des étudiants, entre les élèves d’écoles d’ingénieur ou de tout autre école, les étudiants scientifiques, les étudiants littéraires…  

C’est vrai que le monde étudiant recouvre une grande diversité de profils et de parcours qui déterminent la nature de leurs besoins en logement. Un étudiant de médecine fait au moins sept années d’études, un autre en IUT, deux, etc. Les étudiants qui font les Beaux Arts ont, eux, besoin d’un atelier. Tout comme d’ailleurs les jeunes architectes. Faute de disposer d’espaces suffisants pour ne serait-ce que concevoir leurs maquettes, beaucoup optent pour la colocation afin de disposer d’un peu plus de superficie. En Allemagne, à Cottbus, en plus de chambres doubles, les étudiants disposent d’ateliers où ils peuvent laisser leurs affaires. C’est une piste à creuser.

Légendes des photos : Cité universitaire Maroc, à Fès (en Une, grand format) ; projet MIA2, vue depuis l’entrée, route du Rhin (en Une petit format et en illustration intérieure). Crédit : S&AA-Schweitzer & Associes Architectes.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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