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Mobilités

Le vélo fait (vraiment) sa révolution à Paris-Saclay

Le 1 juin 2015

Le 7 mai 2015, l’EPPS invitait au PROTO204 les amateurs de la Petite Reine à réfléchir à la manière d’en promouvoir et d’en faciliter l’usage sur Paris-Saclay, y compris pour les déplacements domicile-travail. Une journée qui devrait en appeler d’autres, au vu du succès rencontré.

Des kWh, c’est ce que le PROTO204 aurait pu produire si on savait convertir l’intelligence collective en électricité. Car, de l’intelligence collective, il y en eut au cours de cette journée du 7 mai dernier, consacrée au vélo et aux moyens de le promouvoir sur le Plateau de Saclay. Pas moins d’une soixantaine de personnes – des associatifs, des professionnels, des élus (dont Gilles Cordier, conseiller communautaire CAPS chargé des circulations douces des projets d’auto partage et du suivi de la qualité du réseau transport), etc. y ont participé à travers l’un des trois ateliers organisés simultanément, durant la matinée.

Trois ateliers créatifs

L’un, animé par Ghislain Mercier, chef de projet Ville durable, à l’EPPS, portait sur la manière de mobiliser les innovations et les innovateurs. Une piste qui s’impose dans un contexte comme Paris-Saclay qui a la chance d’être un concentré de chercheurs et d’entrepreneurs. Les participants étaient invités à faire le point sur les systèmes d’information, les possibilités en termes d’intermodalité, enfin, sur les diverses formes de vélo (le vélo à assistance électrique – VAE -, le vélo pliable, etc.).
La deuxième atelier, animé par Philippe Gaudias (chef de projet Transports, à l’EPPS), était, lui, centré sur les services à mettre en place pour inciter à utiliser davantage le vélo. L’occasion, cette fois, de s’interroger sur le choix à privilégier entre vente/location/partage. Deux constats ont incliné à mettre a priori l’accent sur la location (sans exclure pour autant d’encourager les particuliers à s’équiper moyennant une prime à l’achat) : la difficulté à venir en vélo par les transports en commun ou par la route depuis Paris, d’une part, le fait que tout le monde, à commencer par les étudiants, n’a pas les moyens de se doter d’un VAE (a priori, le plus adapté pour se rendre sur un plateau depuis une vallée), d’autre part. L’atelier ne s’en est pas moins préoccupé de savoir comment sécuriser le stationnement des vélos des particuliers. Bien d’autres idées ont été évoquées. Citons, par exemple, l’évocation des cyclo-bus – une déclinaison du pédibus (soit des lignes d’itinéraires prédéfinies avec horaires et lieux de passage), des pistes mais aussi des zones de limitation de la vitesse de la voiture à 30 km…
Enfin, le 3e atelier, animé par Alice Taquet (chargée de projet), portait sur la manière de promouvoir le vélo sur le Campus Paris-Saclay. Les participants étaient cette fois invités à réfléchir sur les événements à organiser pour en diffuser la pratique ; les types d’animation ; enfin, les structures et institutions partenaires. De nouveau, un foisonnement d’idées ! Plusieurs types d’événements ont été suggérés selon le public visé : une journée annuelle pour tout public (familles, salariés,…) ; un événement spécifique aux étudiants (trimestriel) ; des bourses au vélo (sur le modèle des bourses aux livres) élargies aux habitants et aux salariés. Concernant les types d’animation, les participants ont suggéré des ateliers de maintenance et de réparation dans l’esprit des FabLab : l’usager pourrait y trouver de quoi réparer son vélo ou apprendre à le faire. Où l’on voit, au passage, qu’un moyen de déplacement requiert des compétences qui ont été perdues et qu’il faut donc ré-apprendre…
Quant à savoir qui fait quoi, l’atelier a été l’occasion de rappeler le rôle des collectivités territoriales, mais aussi des entreprises (invitées à étendre l’indemnité kilométrique à ceux qui viennent en vélo, mais aussi à aménager des douches, etc.), enfin, d’associations étudiantes pour le développement de services, mais aussi une diffusion aussi large que possible de l’information. Bref, les participants semblent avoir compris que tout ne pouvait pas être attendu du seul aménageur…

Un moyen de déplacement presque comme les autres

D’une heure et demie chacun, les trois ateliers ont fonctionné selon le même principe : des participants invités, pour chaque thème, à formuler des idées en les collectant sur un paperboard, au moyen de post-it. Soit le principe de l’atelier créatif en petits groupes, qui devait de nouveau faire la preuve de son efficacité, dans le cadre du PROTO204.
En préambule aux trois ateliers, Antoine du Souich, directeur du développement durable de l’EPPS, avait pris soin de dresser un état des lieux de la situation, sans imaginer alors le chemin parcouru à l’issue de ces ateliers (des km s’il était cette fois possible de convertir ainsi des idées…). Tant ils se sont révélés foisonnants, mais aussi convergents (on s’étonnera juste que les enjeux sanitaires n’aient pas été évoqués, ni les applications qui incitent à faire du vélo en donnant les moyens d’évaluer ses performances selon les principes du Quantified Self).
Pour avoir nous-même papillonné d’un atelier à l’autre, nous n’avons pas manqué d’être agréablement surpris par la capacité d’écoute des participants et la manière dont les propositions rebondissaient les unes sur les autres. Mais aussi par la manière dont les ateliers ont su aborder des questions plus transversales. Notamment la nécessité de faire évoluer les mentalités. Car les blocages et autres freins sont autant matériels, financiers que dans les têtes. De là l’intérêt de donner à voir pour convaincre les plus récalcitrants que faire du vélo, y compris pour aller à son travail, c’est possible, efficace tout en étant plaisant.
Naturellement, les participants ont souligné les particularités du territoire de Paris-Saclay et ses contraintes géographiques. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore fréquenté, rappelons qu’il s’agit d’un plateau avec ses vallées, avec tout ce que cela signifie en termes de montées et donc d’efforts physiques… On ne s’étonnera donc pas de l’intérêt pour le VAE. En la matière, les innovations ne manquent pas, qui permettent, selon les dires d’un participant, de monter en tant tranquillité des côtes de 7 à 8%. Rappelons, au passage, d’autres pistes comme celle du SmartByke, un vélo doté d’un nouveau dérailleur qui permet un changement de vitesses automatique – un système conçu par une équipe d’élèves de l’ENSTA ParisTech (pour en savoir plus, cliquer ici).
A assistance électrique ou pas, se pose une autre contrainte, liée aux modalités d’accès au Plateau de Saclay, depuis Paris, par les transports en commun (à défaut d’une autoroute à vélo, comme celle qu’un participant appelait de ses vœux avant même le démarrage des ateliers). Ces derniers (qu’il s’agisse du bus ou du RER) sont peu adaptés (sauf à disposer d’un vélo pliable…). Au mieux, le cycliste retarde leur fréquence de circulation.
D’ordinaire passées sous silence, les contraintes climatiques ont été évoquées, malgré le beau temps qui régnait ce jour-là. L’occasion de rendre compte des progrès réalisés en matière de textile.

On ne part pas de rien

Sur la problématique du vélo comme sur d’autres, on ne part pas de rien. Le territoire de Paris-Saclay recèle d’initiatives, associatives, privées, publiques. De longue date, la CAPS, pour ne citer que cette Communauté d’agglomération, s’est saisie de la question des mobilités douces en général, avec un soin particulier porté au vélo.
Reste que le territoire de Paris-Saclay est appelé à accueillir des flux de trafic supplémentaires, avec l’arrivée de nouveaux étudiants, chercheurs et salariés d’entreprise (rien que le Campus de R&D d’EDF drainera quelque 5 000 personnes). Naturellement, ces flux appellent un renforcement des moyens de transport en commun. Mais il est tout aussi clair, et c’est un des constats qui a justifié cette journée, que les mobilités douces ont toutes leur place, ne serait-ce que dans une logique d’intermodalité (mais aussi, ajoutons-le, puisque le mot n’a pas été prononcé, de multimodalité : soit le fait de combiner des moyens de déplacement différents selon la destination ; là où la première consiste à en combiner plusieurs pour une même destination). Dans cette perspective, il ne s’agit plus de convaincre seulement les personnes à faire du vélo pour leurs loisirs, mais de « convertir » (le mot a souvent été utilisé) des salariés, habitués à se déplacer en voiture.
Reste, que on ne nait pas cycliste, on le devient : faire du vélo, cela s’apprend. Soit l’enjeu pédagogique qui a conduit à souligner le rôle de l’Education nationale (pour un apprentissage le plus précoce possible), mais aussi l’intérêt qu’il y aurait à mettre en place des dispositifs d’initiation, comme ceux apparus dans sillage de la création de Vélov et du Vélib’.
On le voit : les participants n’étaient pas venus seulement pour discourir, mais agir et avancer collectivement. De là le besoin, également exprimé, d’un suivi, de façon à ne pas réinventer à chaque fois la poudre.

Un enjeu d’aménagement

Victime d’une panne de RER, Lise Mesliand, directrice de l’aménagement, eut cependant le temps d’arriver pour une conclusion, forcément provisoire. D’emblée, elle a abordé la question qui a dû traverser bien des esprits, à savoir : mais pourquoi donc un aménageur prenait-il l’initiative d’organiser une telle journée ? A priori, un aménageur n’est pas attendu sur ce genre de problématique. De lui, on imagine a priori (et pas forcément à tort), qu’il se préoccupe d’abord des grands projets et des infrastructures. En réalité, il peut se préoccuper des réalités moins infrastructurelles du territoire et gagne même à le faire. La problématique du vélo, en particulier, offre l’opportunité de susciter l’envie à partir de solutions faciles à mettre en œuvre, pour peu que les acteurs se mobilisent. Elle invite de surcroît à la sobriété dans la formulation des solutions tout en étant source de création d’emplois. Enfin, le vélo offre le mérite d’être « à la fois individualiste dans son usage et en même temps collectif dans les solutions qu’il appelle ». Il permet d’expérimenter et de nouer des partenariats, à condition d’être au clair sur la gouvernance des politiques à mettre en œuvre. « L’aménageur ne saurait être le seul responsable ». Manière d’inviter les collectivités à prendre leur part de responsabilité.

Un succès partagé

Un succès, c’est le mot que tout un chacun avait semble-t-il à la bouche pour résumer cette journée. Même les questions censées fâcher (le financement, on y revient !) n’ont pas cristallisé de tensions. Certes, un élu a eu beau risquer d’« en appeler à l’EPPS pour la prise en charge des investissements », cette prise de position n’a pas suscité plus que cela l’approbation des participants. Peut-être parce qu’ils ont intégré le fait que cela relève aussi du champ de compétences des collectivités locales. A moins qu’ils aient clairement perçu le défi d’inventer un modèle économique associant l’ensemble des acteurs du territoire aussi bien privés que publics, entreprises, associations et collectivités. D’ailleurs, d’un atelier à l’autre, le mot de mutualisation (dans la gestion des équipements, des locaux, des services, de la communication,…) est lui aussi revenu tel leitmotif.

Comment donc expliquer le succès de cette journée ? Sans doute que le beau temps et le cadre du PROTO204 y ont été pour quelque chose. Mais cela ne saurait tout expliquer. Un autre motif tient au fait que la situation est manifestement mûre pour reconnaître le vélo comme un élément de la réponse à la problématique des mobilités sur le Plateau de Saclay. Rappelons d’ailleurs que la précédente édition du Challenge étudiant avait été l’occasion de le mettre en valeur. Alors que les participants étaient invités à réfléchir aux mobilités en général, c’est ce mode de déplacement qui avait été spontanément privilégié par la plupart des équipes ; nous avions d’ailleurs titré le compte rendu de la finale par un « Et le gagnant est… le vélo ! » (pour en savoir plus, cliquer ici). Autre explication : les participants ont appris à se connaître. L’EPPS n’en était pas à sa première réunion avec les acteurs du territoire.

Comme un succès en appelle un autre, l’idée d’une nouvelle réunion a naturellement traversé les esprits. D’autant que le besoin d’un suivi a clairement été exprimé. « C’est bien de venir parler de vélo, mais si c’est pour ne rien faire de nos idées, on n’en voit pas l’utilité», a dit en substance un participant. Comment lui donner tort ? Bref, il importe de capitaliser et de faire des points réguliers, sans exclure que la journée suscite des projets partenariaux entre participants, indépendamment des décisions de l’EPPS.

Coups de cœur

Après un buffet propice à des échanges informels et des prises de contact, le temps était venu pour la visite des quelques stands, qui donnaient aux abords du PROTO204 des allures de salon du vélo d’antan et d’aujourd’hui.
Parmi les exposants, nous ne cacherons pas notre coup de cœur pour Etudes et chantiers Ile-de-France (l’atelier vélo des Ulis) ou encore pour la recyclerie de La Régie de quartier « Les portes de l’Essonne » venue avec un camion rempli de mobiliers et de vélos. Car la vocation de cette structure d’insertion par l’économique, dirigée par le très dynamique Michel Gerbet, est de récupérer des objets pour les nettoyer, réparer et revendre à moindre coût. Et avec professionnalisme ! Pour repeindre ses vélos, elle s’est dotée d’une cabine de peinture automobile, ni plus ni moins. Pour l’occasion, un vieux cycle avait été réparé et repeint aux couleurs de Paris-Saclay !
Parmi ses salariés présents pour répondre aux questions : Delphine Bagot au parcours on ne peut plus surprenant. Jugez-en vous-même. Née à Orsay, elle a vécu son enfance aux Molières, dans la Vallée de Chevreuse. Après des études à Paris (notamment à l’Ecole Boulle), elle est partie plusieurs années à la Rochelle, une ville tout sauf anodine en matière de mobilité durable (elle a été pionnière dans la mise à disposition de véhicules électriques et de vélos) où elle a intégré l’incubateur d’une école d’ingénieurs. Elle en est revenue pour intégrer Les Portes de l’Essonne où elle « redesigne » des vélos récupérés auprès de La poste, le temps de montrer son propre projet (une illustration, au passage, du fait que les structures d’insertion peuvent aussi offrir une perspective d’emploi à des personnes qualifiées). Promis, nous irons de nouveau à sa rencontre.

En attendant, place aux entretiens avec Philippe Gaudias (pour y accéder, cliquer ici) et Marc Bultez, rencontré au cours de cette journée, et qui a bien voulu nous en dire plus sur son projet de recyclerie… sportive (cliquer ici).

Merci à Hugo Noulin et Constantin Nicolaï pour les photos qui illustrent cet article.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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