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Cité de l’Innovation, suivez le guide

Le 9 avril 2015

En septembre 2014, Alcatel-Lucent inaugurait sa Cité de l’innovation, son deuxième Centre d’Expertise au plan mondial, implanté à Villarceaux-Nozay. Visite des lieux en compagnie de Fatima Bakhti, directrice du projet.

La Cité de l’Innovation d’Alcatel-Lucent a beau n’avoir été inaugurée qu’en septembre 2014, elle rayonne déjà sur le Plateau de Saclay et ses différents lieux innovants : pas une manifestation dédiée à l’innovation où il n’en soit question, fût-ce à travers l’évocation du Garage, un Fab Lab créé en son sein afin d’y favoriser l’intra-entrepreneuriat. C’est donc tout naturellement que nous avons voulu la découvrir de nos propres yeux. C’est désormais chose faite à l’occasion de la visite que nous avons pu faire en ce début de mois de mars, par un jour ensoleillé, en compagnie de Fatima Bakhti, directrice du projet, rencontrée quelques semaines plutôt à Techinnov (pour un compte rendu de cette manifestation, cliquer ici), mais également vue à la TV (la Cité de l’innovation a été l’objet d’un reportage sur France 2).

In middle of somewhere

Première surprise : le temps nécessaire pour s’y rendre depuis Paris. A peine une cinquantaine de minutes en transport en commun depuis Denfert-Rochereau (descendre ensuite à la station Massy-Palaiseau de la ligne B du RER puis prendre le bus DM11C qui vous dépose à la station Nozay-Villarceaux, au pied de la Cité de l’Innovation).
Ce que nous ne manquons pas de signaler à Fatima Bakhti en y voyant un démenti à l’idée, répandue, d’un Paris-Saclay difficilement accessible. Elle modère pourtant un peu notre enthousiasme en rappelant avec franchise les difficultés que peuvent rencontrées aux heures de pointe les salariés qui s’y rendent en voiture. Une vraie problématique sur laquelle on ne manquera pas de revenir au cours de la visite.
Deuxième surprise : l’entrée dans le site. Comme dans tous les lieux dédiés à l’ « innovation ouverte », il faut encore montrer patte blanche, en franchissant des portiques. Mais, ici, c’est bien une ambiance mi campus mi centre de R&D qu’on retrouve somme toute. Impression plus que renforcée au fil de notre visite.
Celle-ci débute au 8e étage du bâtiment Copernic. Effet wahou garanti. De là, on peut percevoir l’ensemble du territoire de Paris-Saclay, avec face à nous, les Ulis, puis plus loin, à droite, le Christ de Saclay… Bref, tout Paris-Saclay à 360°, en passant d’une pièce à l’autre, disposant toute de baies vitrées. Ne manqueraient presque plus que des tables d’orientation ! Justement, Fatima Bakhti songe le plus sérieusement du monde à en installer. D’autant plus qu’en temps normal, on peut même percevoir les deux grandes tours de la capitale, celles d’Eiffel et de Montparnasse. Malheureusement, ce matin-là, on ne peut que les deviner à cause du nuage de pollution qui règne au-dessus de Paris. Dans cette supposition de Fatima Bakhti, aucune malveillance à l’égard de « la ville lumière ». N’empêche, on ne peut s’empêcher d’y voir un argument solide en faveur du cadre de vie et de travail offert par Paris-Saclay… L’emplacement géographique de la Cité de l’Innovation, Fatima Bakhti sait le valoriser de manière autrement plus convaincante, auprès notamment des visiteurs étrangers que la Cité reçoit au quotidien, en plaçant un opportun « Ici, on n’est pas in the middle of nowhere, mais in the midle of somewhere !»
Loin d’entretenir un sentiment d’isolement, la proximité avec les champs agricoles, coincés entre les axes routiers, ajoutent à l’attractivité du site. Les salariés la mettent d’ailleurs à profit pour s’adonner à leur jogging, comme on a pu le constater en patientant sur le chemin du retour, à l’arrêt de bus.

Un drapeau aux couleurs de Paris-Saclay

Bref, à la Cité de l’Innovation, on joue à fond la carte de Paris-Saclay. A l’entrée du site, un drapeau aux couleurs de ce territoire flotte d’ailleurs aux côtés de ceux de la France, de l’Europe, du groupe, enfin, le cas échéant, du pays des hôtes étrangers (ce jour-là c’est celui du Canada). Paris-Saclay, donc, mais, tient à préciser Fatima Bakhti, « sans exclure de fortes relations avec d’autres écosystèmes ». A commencer par l’autre centre français de R&D d’Alcatel-Lucent, le Campus de l’Innovation de Lannion.

Du même étage, c’est aussi l’ensemble de la Cité de l’Innovation que l’on peut découvrir dans chacune de ses composantes : ici, le bâtiment Chappe, qui abrite la plus grande plateforme de tests de charge des réseaux mobiles. « On y simule ceux de mégapoles en reproduisant, par exemple, l’équivalent de 220 millions d’appels et 126 millions de sms chaque nuit. » Nous ne cachons pas notre surprise pour ne pas dire notre scepticisme en apprenant qu’il a été livré en 9 mois. Comment est-ce donc possible ? Vérification faite, c’est bien le cas ! Et après tout, quoi de plus naturel ? Comme l’explique Fatima Bakhti, « le monde des télécommunications évolue très vite. L’explosion des données impose de disposer aussi vite que possible de nouveaux équipements. »
Toujours du 8e étage, on peut apercevoir le Silo, un parking végétalisé de trois étages, ou encore le bâtiment des Bell Labs qui abrite le déjà célèbre Garage (on y reviendra), etc. Et d’autres bâtiments plus anciens : c’est que pas plus qu’elle n’est « in the middle of nowhere », la Cité de l’Innovation n’est venue de nulle part : cela fait plus de 50 ans qu’Alcatel-Lucent est présent sur ce site de 36 ha. Quoi qu’il en soit, pas de cité sans espaces publics. Entre autres initiatives, un parking a donc été transformé en espace vert, enrichi d’une fontaine.

Entre innovation et… rénovation

De nouveau à l’extérieur, la façade défraîchie du Toricelli tranche cette fois avec le soin apporté à la rénovation intérieure. Mais sans que nous ayons plus à redire que cela (après tout, la rénovation d’un bâti ancien ne participe-t-elle d’un développement durable ?), Fatima Bakhti tient à nous en annoncer le projet de ravalement. En attendant, direction la salle des sports, aménagée dans l’ancienne cantine et gérée par le CIE. Nouvel effet wahou : elle dispose de tout le nécessaire – équipements, douches, etc. – accessible de 7 h 30 à 20 h. Fatima Bakhti : « Il m’arrive de croiser des collègues qui font leur jogging avant de commencer leur travail.» Cerise sur le gâteau : ils bénéficient du coaching d’une société spécialisée, locale. L’occasion pour Fatima Bakhti de souligner, en plus du dynamisme du CIE, l’ancrage de la Cité de l’Innovation dans son territoire.
Puis direction le nouveau lieu de restauration : un bâtiment avec de grands baies vitrées égayées par des slogans ou de citations qui accentuent son côté geek. Pour se rendre ainsi d’un bâtiment à l’autre, nul besoin de navette. Tout se fait à pied et ce, d’autant plus agréablement, que la voirie agrémentée d’espaces verts a été conçue dans le souci du piéton.

De la sérendipité

Comme dans une cité, on peut en principe croiser toutes sortes de profils : les chercheurs des Bell Labs, des ingénieurs, des techniciens aussi bien que des commerciaux. Une proximité dont Fatima Bakhti souligne l’intérêt : « les ingénieurs peuvent bénéficier en direct des retours clients de ces derniers. » Mais on y croise aussi des étudiants, des startuppers, des partenaires industriels, etc. Et tout est fait aussi pour que les quelque 5 000 personnes qui fréquentent la Cité (visiteurs et partenaires extérieurs compris) se croisent et échangent de manière moins formelle que dans les habituelles réunions. Des fauteuils colorés sont disposés à cet effet. Quand bien même Fatima Bakhti n’évoque pas spontanément le mot de sérendipité, on comprend que c’est bien cette notion qui a inspiré l’aménagement de la Cité dans ses moindres recoins.
Entre campus et centre de R&D, la Cité de l’Innovation n’est pas, bien sûr, sans évoquer l’ambiance des centres de recherches des fameux Gafa. Mais n’est pas Google, Apple, Facebook ou Amazon qui veut. « Autant nos ingénieurs sont disposés à la créativité, autant d’autres, parce que habitués aux rapports hiérarchiques ont encore à en apprendre les principes. » On en vient à un autre aspect de la Cité de l’Innovation : l’accent mis sur la reconfiguration des espaces de travail pour faciliter les interactions et susciter les idées. Emblématiques à cet égard sont la Cuisine et le Lounge du Bell Labs (qui, ce jour-là, accueille des étudiants). Mais les autres bâtiments ont droit aussi à leur cafétéria, leurs espaces de coworking et d’autres pièces où tout un chacun peut se replier selon ses besoins. Autant de choses désormais dans l’air du temps, mais servies ici par un aménagement spécifique.

En parallèle, Fatima Bakhti s’appuie sur ce qu’elle appelle les « innovacteurs » : des salariés volontaires (ingénieurs, chercheurs, assistants), qui souhaitent faire bouger les lignes, et dont certains se sont formés d’eux-mêmes à cette créativité et son management. Histoire de « casser la glace » entre collègues qui ne se connaîtraient pas encore assez, des solutions ludiques sont proposées.

Qu’en pensent les salariés ?

Mais les salariés, que pensent-ils eux-mêmes de ce nouvel environnement de travail ? Justement, une première enquête a été menée en début d’année. Avec la même franchise, Fatima Bakhti souligne les points faibles tout autant que les points forts. Parmi les points faibles : l’insonorisation de certaines salles. Et les transports ? C’est naturellement « la » question. A laquelle la Cité de l’Innovation a apporté des réponses directes et indirectes.
Directes, avec la mise en place de navettes, en plus des solutions envisagées dans le cadre du PDIE (Plan de Déplacements Inter-Entreprises) que Fatima Bakhti évoque d’autant plus volontiers qu’il fournit une autre illustration de l’inscription de la Cité de l’Innovation dans l’écosystème Paris-Saclay.
Indirectes, avec toutes sortes de services qui permettent aux salariés d’optimiser leur temps de présence sur leur lieu de travail. Ces services, c’est la conciergerie qui offre de nombreuses prestations, c’est aussi la grande salle de sport, etc. Très prochainement, apprend-on encore, il sera possible de se faire livrer ses courses sur le site, grâce à un partenariat avec une grande enseigne. Autant de services qui permettent aux salariés d’éviter à devoir démultiplier les détours sur leur trajet domicile-travail.
Last but not least, Alcatel-Lucent s’est de longue date engagée en faveur du télétravail : chaque salarié peut travailler chez lui une à deux journée (s) par semaine. Relation de cause à effet ? Toujours est-il que ce jour-là, il n’y a pas foule à l’extérieur (il est vrai que nous visitons le site en plein milieu de matinée). En revanche, on croise plusieurs personnes dans les bâtiments, travaillant en grappes et/ou autour d’un café. A se demander d’ailleurs si les conditions de travail offertes par la Cité de l’Innovation ne contrarieront pas à terme la pratique du télétravail…
Ces mêmes salariés ne se contentent pas de formuler des demandes comme ils l’ont fait en réponse à l’enquête susmentionnée. Ils prennent aussi les choses en main, se font force de propositions. Dernier exemple en date : la création d’un jardin d’agrément à l’initiative d’un passionné d’horticulture.

Une cité qui ne se fera pas en un jour

Au terme de la visite, nous ne cachons pas notre enthousiasme à notre hôte. Au point que cette dernière tient, malgré l’énergie communicative qu’elle a manifestée elle-même tout ou long de la visite, à le tempérer en rappelant les efforts consentis par chacun dans la mise en place de ce programme, les désagréments qui ont été supportés lors des déménagements et des travaux. Fruit d’un regroupement des différents centres d’activités franciliens du groupe, programmé dans le cadre de son Plan Shit, elle a en outre impliqué pour plusieurs salariés un allongement de leurs déplacements domicile-travail…
Et puis, la Cité de l’Innovation a dû composer avec les contraintes budgétaires, en privilégiant, comme on l’a vu, la rénovation de bâtis anciens sur la tabula rasa. De là la coexistence de bâtiments anciens et d’inévitables imperfections. « Tout n’est pas fini » insiste Fatima Bakhti. D’ailleurs, nous entendrons des bruits de perceuses au cours de notre visite, et tomberons même sur un ascenseur capricieux qui obligera à emprunter les escaliers.
Mais c’est précisément ce qui nous séduit ! La Cité de l’Innovation n’est pas de ces villes sous cloche et « smart » sous tout rapport. Pas plus que Rome, elle n’a prétention à se faire en un jour ! Nous avons même l’impression qu’elle a enclenché une dynamique qui échappe à ses initiateurs, rendant le projet d’autant plus séduisant. Après tout, la Cité de l’Innovation ne doit-elle pas donner l’exemple en étant elle-même un processus d’innovation, si possible itératif ?
Et puis, dans Cité de l’Innovation, il y a… Cité, un mot tout sauf anodin. Une cité est a priori bien plus qu’une ville, du moins en son sens étymologique. Elle vit dans la mesure où ceux qui la composent s’y impliquent. Certes, de là à ce que les salariés soient transformés en citoyens… Mais au moins peuvent-ils composer une communauté de travail, non pas refermée sur elle-même, mais ouverte sur d’autres cités sinon campus et centres de R&D. Significatif à cet égard est l’écran disposé à l’entrée de certains bâtiments, qui donne à voir les tweets adressés par les collaborateurs, en plus d’informations en temps réel sur le site. Car, tout ancrée qu’elle soit sur un territoire, une communauté peut aussi être virtuelle, aujourd’hui plus que jamais. Ce dont témoigne précisément la Cité de l’Innovation à travers… cette innovation. « Un produit maison » souligne Fatima Bakhti (l’écran a été mis au point par le Bell Labs). Bref, ce qui s’invente là, c’est un lieu qui emprunte, certes, à des pratiques vues ailleurs (on pense encore au Gafa), mais qui en invente d’autres, en marchant.
Et tout aussi tournée soit-elle vers l’avenir, cette communauté assume un passé plus que cinquantenaire. Les noms donnés aux bâtiments (Chappe, Newton, Copernic, Toricelli) sont là pour rappeler qu’on s’inscrit dans une histoire bien plus ancienne. Bref, tout le contraire de ces lieux d’innovation hors-sol et déconnectés du passé aussi bien que de leur territoire.
Pour qualifier son propre travail, Fatima Bakhti met en avant un rôle de « connecteur ». Entre les différents univers, internes et externes. Au fil de notre visite, elle nous présente d’ailleurs spontanément aux collègues que nous croisons. C’est ainsi qu’on fait connaissance avec Pascale Thorre, en charge de la diversité, et Loïc Le Grouiec, qui, en plus de présider Alcatel-Lucent International, la principale filiale française, s’est investi dans l’Association @TalentEgal, qu’il préside également. Autant de personnes avec lesquelles nous prenons date pour un entretien.

En attendant, place à celui que nous a accordé Fatima Bakhti, en complément des informations dispensées au fil de notre visite (pour y accéder, cliquer ici).

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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