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35 ans de lasers ultra-intenses avec les prix Nobel G. Mourou et D. Strickland.

Le 17 février 2020

Le 14 février 2020, l’École polytechnique célébrait le 35e anniversaire de l’invention de la technique d’amplification à dérive de fréquences des impulsions lasers (Chirped Pulse Amplification – CPA) en présence de ses inventeurs, les prix Nobel de physique 2018, Donna Strickland et Gérard Mourou, et d’autres personnalités scientifiques internationales. Voici un écho de cette journée exceptionnelle à travers le témoignage de Benoît Deveaud, Directeur adjoint de l’enseignement et de la recherche de l’École polytechnique, qui en assurait l’animation.

– Si vous deviez rappeler pour commencer la genèse et l’enjeu de cette journée ?

Nous tenions à célébrer comme il se devait le prix Nobel de physique décerné à Gérard Mourou et Donna Strickland, en octobre 2018. Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt, me direz-vous. Tout simplement parce que nous avons été pris dans le maelstrom provoqué par cette annonce, qui rendait difficile l’organisation rapide d’un événement digne de ce nom. Nous nous en sommes donc tenus pour commencer à une intervention de Gérard Mourou devant nos élèves dans ce même amphithéâtre Poincaré. J’ajoute que nous avions déjà programmé, au cours de cette année 2019, un grand colloque sur le développement durable, pour marquer le 225e anniversaire de l’École…

– J’y étais ! [pour accéder au compte rendu, cliquez ici]…

Comme vous avez pu le constater, ce fut un événement majeur, dont la préparation nous aura mobilisés plusieurs mois, de sorte que nous ne nous sentions pas en mesure d’en organiser un autre, d’une importance comparable, au cours de la même année. Ce que nous avons bien regretté, car 2019 correspondait aussi à l’anniversaire des 75 ans de Gérard Mourou (il est né en juin 1944). Finalement, nous n’avons pas autant perdu au change puisque l’année 2020 se révélait correspondre au 60e anniversaire de l’invention du laser, au 35e de celui du CPA, enfin, au 60e anniversaire de Donna Strickland. Nous y sommes donc aujourd’hui, avec ce colloque scientifique intitulé « A journey with lasers and physics at high intensities »…

– Un « voyage », en effet, qui est l’occasion de rendre compte aussi bien des avancées que cette invention a déjà permises que des applications futures…

En effet, le CPA constitue une avancée scientifique majeure, qui a permis d’ouvrir la voie aux lasers ultra-intenses et de révolutionner leurs utilisations, en nous faisant basculer dans de nouveaux ordres de grandeur (nous sommes passés du Térawatt au Pétawatt). Ces lasers sont utilisés par des milliers de chercheurs à travers le monde, ainsi que par des industriels. Les applications sont nombreuses et vont de la chirurgie oculaire à la physique des particules, en passant par la cosmologie. Les présentations scientifiques de la matinée ont permis de mesurer le chemin parcouru, mais aussi d’aborder les perspectives liées aux autres applications potentielles.
Comme vous avez pu le voir, les interventions étaient de très haut niveau…

… avec des diapositives pleines de mystérieuses équations…

Mais, comme vous avez pu le constater, la tonalité générale n’en a pas moins été conviviale. En organisant cette journée, nous souhaitions aussi revenir sur la manière dont une communauté s’était constituée autour de Gérard Mourou. C’est tout le sens de la table-ronde de l’après-midi en particulier, au cours de laquelle des personnalités scientifiques ont été invitées à témoigner de leurs collaborations avec notre prix Nobel, sur un registre plus personnel…

– … c’est un point sur lequel je voulais revenir. Car, si bien des exposés me sont passés au dessus de la tête, en revanche, j’ai été frappé par la dimension proprement humaine qui se dégage des travaux de recherche menés autour de la technique CPA… Preuve s’il en était besoin que la recherche scientifique, ce sont des équations très sophistiquées, des équipements, qui le sont tout autant, mais c’est aussi et peut-être d’abord des hommes et des femmes, qui se fréquentent dans le cadre de programmes de recherche, de congrès, et qui n’en accordent pas moins une place importante aux échanges informels et amicaux, avec une pratique de la photo souvenir dont vos orateurs nous ont fait d’ailleurs profiter en donnant avoir des aspects plus personnels et privés des échanges entre chercheurs….

EntretienBDeveaud2020JB_20200214_0298EP_CPADans le domaine du laser comme dans d’autres, la recherche se fait d’abord autour de la machine à café ! Elle se fait aussi lors des congrès internationaux, lorsqu’après avoir assisté à des communications et fait la sienne, on rejoint les collègues le temps d’un repas ou d’une bière, sans compter les sorties et visites, qu’on fait ensemble. Ce qu’un intervenant, Alexander Sergeev, le président de l’Académie des Sciences de Russie, a bien illustré à sa façon en nous ayant donné à voir un Gérard Mourou, avec son épouse Marcelle, à cheval, dans un étang, visitant une chapelle ou intrigué à la vue d’un samovar !

– Revenons-en au Prix Nobel et à ses projets….

De fait, Gérard Mourou est un chercheur dans l’âme. Loin de se reposer sur ses lauriers, il a plein d’idées qu’il ne demande qu’à développer, que ce soit en matière de transmutation des déchets radioactifs ou de lutte contre les débris en orbite dans l’espace.

– En quoi l’écosystème de Paris-Saclay vous paraît-il favorable au développement de ces nouvelles applications ? Dans quelle mesure celles-ci peuvent-elles contribuer à des rapprochements avec d’autres acteurs de l’écosystème – je pense à l’Université Paris-Saclay ?

Parmi les projets, celui du laser Apollon avait été lancé dans le cadre du projet d’Université Paris-Saclay, dont Polytechnique était alors partenaire. Malgré la séparation en deux entités [Université Paris-Saclay et Institut Polytechnique de Paris] la plateforme ainsi créée prévoit de recevoir des équipes à la fois de l’Institut Polytechnique de Paris et de l’Université Paris-Saclay. La mise en place de collaborations additionnelles, allant au-delà du Grand Instrument Apollon, nécessitera sans doute que nos deux institutions soient mieux stabilisées et consacrent une moindre énergie à s’organiser en interne. Cependant, nous connaissons très bien les personnes et institutions de recherche implantées de l’autre côté de la N118 et nous échangeons avec elles très régulièrement. Nous avons clairement la volonté de faire fructifier l’ensemble du Plateau de Saclay, qui, dans le domaine du laser, constitue un écosystème exceptionnel au plan mondial.

– Il semble d’ailleurs que les témoignages ont délivré un message d’optimisme en illustrant combien les champs d’application étaient suffisamment nombreux pour intéresser un large spectre d’acteurs de Paris-Saclay, aussi bien académiques qu’industriels…

EntretienBDeveaud2020JB_20200214_0227EP_CPAAbsolument. D’ailleurs, si le brevet du laser, que Gordon S. Gould a déposé en 1958, faisait rien moins que 110 pages, c’est parce qu’il y décrivait en détail non pas tant la complexité du dispositif que l’ensemble des applications qu’il jugeait possibles. Sa liste était déjà prometteuse. Depuis, on n’a de cesse d’en découvrir bien d’autres à mesure que les lasers gagnent en puissance et en durée d’impulsion. Nous en avons eu une belle illustration à travers l’exposé d’Imola Ratkay, pionnière dans les applications du laser en chirurgie de l’œil. Et l’histoire n’est pas finie à en juger par l’arrivée de nouvelles générations de chercheurs, à l’image de Jena Meinecke [ci-dessus], spécialiste de physique des plasmas au Christ Church College, à Oxford, qui a rendu compte des applications possibles dans le domaine de la cosmologie… Vous avez certainement apprécié l’enthousiasme avec lequel elle nous a décrit la possibilité de reconstituer une supernova dans un laboratoire !

– Oui, c’était passionnant et bien la preuve que le laser ne saurait être la chasse gardée d’un champ disciplinaire, encore moins d’établissements de recherche privilégiés…

Non, en effet. Cela n’aurait aucun sens. Comme notre colloque l’a illustré à travers des interventions de chercheurs venus des Etats-Unis, d’Asie, et d’Europe, le laser est un enjeu de recherche multidisciplinaire et international.

Crédit photo : J. Barande / Ecole polytechnique.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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