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Weeroc où comment concilier recherche fondamentale et industrie.

Le 30 juillet 2014

Suite et fin (provisoire !) de notre série consacrée à IncubAlliance et ses start-up, avec, cette fois, le portrait de Julien Fleury, co-fondateur de la société Weeroc, spécialisée dans la conception de circuits microélectroniques répondant aux besoins d’industriels de secteurs aussi divers que l’imagerie médicale, le nucléaire ou le spatial.

Diplômé de l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs en Electronique et Electrotechnique (ESIEE), implantée à Marne-la-Vallée, Julien Fleury a, en 2001, à son retour d’un stage de fin d’études aux Etats-Unis, rejoint le campus d’Orsay, pour y intégrer le prestigieux IN2P3 (Institut national de Physique Nucléaire et de Physique des Particules) du CNRS. « Je participais à la conception de microcircuits microélectroniques, destinés aux détecteurs de particules dont ceux du CERN. » Pour donner une idée du niveau de compétence de son équipe de recherche et de la qualité de ses équipements, précisons qu’elle a concouru à l’identification du boson de Higgs…

En 2006, un premier tournant intervient dans sa vie d’ingénieur de recherche. « Avec mes collègues, nous nous sommes rendu compte que la microélectronique requerrait pour les besoins de son développement, un personnel autrement plus nombreux que ce que pouvait mobiliser un seul laboratoire. » L’année suivante, la décision est donc prise avec le directeur du service électronique de l’époque de créer un pôle, en vue de mutualiser les ressources de plusieurs laboratoires de l’IN2P3. Quatre acceptent de participer à l’aventure, tous situés à Orsay. Ainsi naquit OMEGA (pour Orsay Microélectronique Group) auquel on doit une série de micro-circuits reconnaissables à leur terminaison en « roc » (pour « Read-Out Chip ») : Maroc, Parisroc, Hardroc… De là le nom qui sera donné à la start-up Weeroc, qu’il a depuis contribué à cofonder.

Mais ne brûlons pas les étapes. Tandis que le directeur des services électroniques assure la direction du pôle, Julien en est nommé directeur adjoint. A ce titre, il enchaîne les conférences pour en présenter le projet à des professionnels de différents secteurs. Lors de l’une d’elles, des fabricants d’imageurs médicaux manifestent un intérêt. « Nous nous doutions bien que nos travaux de recherche avaient des applications possibles dans de nombreux domaines, mais sans avoir clairement identifié leurs besoins. Eux en avaient parfaitement compris l’intérêt pour l’imagerie médicale. »

Aux sources de Weeroc

La collaboration ne fut cependant pas simple à mettre en place. « Le CNRS est un organisme très performant en matière de recherche, mais certains de ses laboratoires peuvent avoir encore des réticences à travailler en direct avec l’industrie sinon le privé. » Et le même d’ajouter : « De là l’intérêt des spin-off et autres start-up qui permettent d’introduire de la souplesse. » Mais de là à en créer une lui-même…

C’est en 2009, au cours d’un séjour à Berkeley, que l’idée germera. « J’y ai passé un an, dans le cadre d’un échange, pour y faire de la microélectronique. Je redevins ingénieur développeur, ce qui me permit de disposer d’un peu plus de temps. » Assez en tout cas pour prendre du recul et commencer à réfléchir à la création d’une start-up. De retour en France, il dispose d’un business plan…

Hasard du calendrier ? Toujours est-il que la start-up voit effectivement le jour le 14 février 2012, fête de la Saint-Valentin. Pour autant, sa création n’aura pas suscité de coup de foudre chez ses collègues chercheurs. A entendre Julien, elle aurait même suscité des réactions dignes d’un choc de particules… « A l’évidence l’idée de valoriser la recherche fondamentale, courant dans le domaine des biotech, passe encore difficilement, dans certains laboratoires de physique des particules. Heureusement, j’ai bénéficié d’un vrai soutien de l’IN2P3 et du CNRS. »

Pour autant, Julien n’est pas plus surpris que cela. « Nous avions anticipé les objections en étant justement vigilants quant à la manière de nous positionner et de contractualiser les collaborations. » Concrètement, Weeroc vit des contrats conclus avec des industriels et peut utiliser des ressources du CNRS en cas de besoin au travers de contrats de collaboration de recherche « Des contrats, insiste-t-il, rédigés en termes aussi précis que possible, dans une logique gagnant-gagnant. »

« Les laboratoires, poursuit-il, bénéficient de nos contacts dans l’industrie et de notre expérience dans la manière de s’adresser à elle. Par ailleurs, nous partageons nos développements industriels avec le CNRS qui nous met à disposition son propre savoir-faire. » Histoire de convaincre de l’existence de réelles synergies, Julien précise encore que plusieurs actionnaires de Weeroc sont des chercheurs patentés. Le CNRS est également gagnant sur le plan financier puisque la start-up lui reverse 5% de son chiffre d’affaires. « Soit la moitié des bénéfices que nous réalisons. »

Au final, Weeroc n’a fait qu’aller dans le sens de l’histoire, si on en juge par l’intérêt croissant manifesté par le CNRS pour les spin off. « La pratique du contrat rentre dans les mœurs. Dès que les laboratoires ont une idée qui nous paraît valorisable, nous établissons un contrat. » Une division claire du travail dont Julien a accepté de prendre le risque en renonçant à son statut de chercheur pour se consacrer à plein temps, comme salarié, à l’activité de sa société.

Les liens forts qui continuent à l’unir à l’IN2P3 ne l’empêchent pas de travailler avec d’autres laboratoires. « Si pour l’heure, nous n’en avons pas encore identifiés, on ne s’interdit pas cette possibilité. » En plus de l’imagerie médicale et l’instrumentation scientifique, Weeroc commence à investir le secteur du spatial. « Des contrats sont en cours de discussion avec EADS pour la réalisation de micro-circuits destinés à des satellites et à des lanceurs. »

La rencontre avec IncubAlliance

Bien avant de créer Weeroc, Julien s’était mis en quête d’un incubateur. « Je ne connaissais rien du monde de l’entreprise. » La délégation régionale du CNRS à laquelle il s’adresse le renvoie auprès… d’IncubAlliance. « C’est lui qui m’a incité à mettre à profit mon année à Berkeley pour esquisser mon business plan. » Il l’intégrera effectivement en avril 2012, soit deux mois après la création de la société.

S’il devait mettre en avant le principal intérêt d’IncubAlliance ? « Cet incubateur nous fait entrer dans le concret de la gestion d’une entreprise. Ce à quoi ne prépare pas les structures de valorisation de la recherche. » En plus d’une formation, IncubAlliance met à disposition des coachs, en mesure de répondre au moindre de nos questions. « On peut ainsi s’épancher quand on se prend à douter… ».

Depuis avril 2014, Weeroc est en phase de post-incubation. Le départ n’est pas pour autant programmé. « Tant que nous ne prenons pas trop de place, nous avons la possibilité de rester encore. » Pas plus qu’il ne songe de quitter l’incubateur, il n’envisage de quitter le Plateau de Saclay.

« Ici, on dispose d’espace et de verdure. » Certes, les conditions de transport sont loin d’être satisfaisantes, mais elles le préoccupent moins que le cadre de vie. « Pour avoir voyagé et visité plusieurs campus étrangers, dont celui de Berkeley, je peux vous dire qu’il y a encore une marge de progression. Passé une certaine heure, il n’y a plus beaucoup d’endroits où se restaurer… Résultat : nombre d’étudiants préfèrent se loger à Paris. Pourtant, des étudiants logés ici, ce serait autant d’étudiants en moins à trimballer par le RER ou en voitures. »

Au-delà du cadre de vie, il met en avant les compétences dont regorge le Plateau. « Déjà, Weeroc a la possibilité d’accueillir des Polytechniciens en stage. » Actuellement, Weeroc compte 5 salariés. Julien ne désespère pas de contribuer à pourvoir en emplois de jeunes chercheurs qui ne trouveraient pas de poste dans la recherche publique.

Est-il confiant dans l’avenir ? « Quand je vois les grues à l’œuvre sur le futur campus d’EDF, je me dis que la dynamique du cluster est bel et bien lancée et cela me rassure. Et si on met les personnes aux bons endroits et dans les bons bâtiments, cela devrait le faire ! » Pour l’heure, il reconnaît passer encore beaucoup de temps à échanger par téléphone ou Skype avec les chercheurs installés sur le Plateau. « Le jour où nous serons réunis dans un même endroit, nous gagnerons en efficacité. » Il ne cache pas fonder aussi ses espoirs sur les futurs bâtiments de l’X dont la première pierre a été posée en avril dernier, avec pour objectif de réunir tout à la fois chercheurs, enseignants et entrepreneurs.

Photos : Julien Fleury (en Une, petit format) avec son équipe (en illustration de cet article). En Une grand format : un microcircuit microélectronique.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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