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Mobilités

SmartAutostop ou quand la mobilité rime avec le sens de l’entraide.

Le 16 novembre 2014

Faire de l’auto-stop mais sans à avoir à patienter en levant le pouce. C’est ce que permettra Smart Autostop à travers une application mobile conçue par Laurent Maghdissian. Lequel nous en dit plus, aussi bien sur les conditions qui l’ont rendue possible que sur la campagne d’inscription qui a été ouverte en vue d’une première expérimentation, avant la fin de l’année, à l’échelle d’un grand territoire : Paris-Saclay !

– Si vous deviez définir la vocation de SmartAutostop en quelques mots…

SmartAutostop est une application mobile qui allie la sécurité du covoiturage avec l’instantanéité de l’auto-stop pour des tronçons du trajet domicile-travail. Je ne saurais mieux résumer sa vocation.

– Pourquoi mettre en avant l’auto-stop là on ne parle plus que de covoiturage ?

Nous faisons l’hypothèse que le covoiturage domicile travail et de porte à porte, n’a pas d’avenir assuré en milieu urbain. Car les gens rechignent tout simplement à faire des détours, de crainte de se retrouver au milieu d’embouteillages. Nous pensons qu’un service de covoiturage en ville se rapprochera davantage de l’autostop. De là le parti pris de cette vieille notion. Mais ce que nous proposons est un auto-stop revisité grâce aux possibilités offertes par les applications mobiles. Il ne s’agit pas pour autant de proposer des trajets de longue distance, mais, dans le cadre des déplacements domicile-travail, des solutions de rabattement vers des modes de transport collectif ou sur ce qu’il est convenu d’appeler le dernier kilomètre, entre l’arrêt de bus ou la gare et son lieu de travail sans imposer la moindre contrainte à l’automobiliste : on profite juste du fait qu’il passe devant un arrêt de bus ou une gare pour prendre quelqu’un au passage.

– Quand l’idée vous est-elle venue ?

Il y a plus de sept ans ! Seulement, à l’époque, les smartphones n’existaient pas encore. Or, faire du covoiturage en temps réel sans géolocalisation comme permet de le faire ce genre d’appareil rendait la chose difficile. J’avais donc abandonné provisoirement l’idée, avant finalement de la reprendre, en 2013. En creusant la question, je me suis aperçu que rien de m’arrêtait dans mon élan, qu’aucun obstacle, technique ou autre, ne semblait s’y opposer. Cela m’a encouragé à m’investir un peu plus dans le projet en demandant à mon employeur (Alstom où j’étais ingénieur) de passer au 3/5e. J’ai pu ainsi prendre le temps de sonder des acteurs du territoire de Paris-Saclay, à commencer par Polvi, une association d’entreprises du territoire totalisant aujourd’hui 15 000 emplois et de l’ordre de 25 000 demain.

– Quelle a été sa réaction ?

Elle s’est montrée instantanément intéressée. La plupart des entreprises qui en sont membres ont des locaux mal desservis par les transports en commun. Toute solution susceptible d’améliorer la vie de leurs salariés est la bienvenue. C’est le cas de notre application qui facilite le rabattement sur des arrêts de bus ou des stations du Rer, et le déplacement sur le dernier kilomètre. Certes, la Communauté d’Agglomération du Plateau de Saclay (CAPS) a consenti un important effort en renforçant le nombre de bus et leur fréquence, dans l’attente de l’arrivée du bus en site propre et du métro automatique. Pour l’heure, le plateau n’en reste pas moins encore globalement difficilement accessible autrement qu’en voiture.

– Les entreprises n’ont-elles pas déjà pensé à développer le covoiturage…

Oui, mais sous une forme classique et pour tout dire contraignante : pour en bénéficier, le salarié doit anticiper sa demande en postant sur le site son trajet à l’avance. D’où d’ailleurs le relatif échec rencontré par cette solution sur le Plateau de Saclay comme, d’ailleurs, dans les autres zones d’activités.
L’application a plus de chance de rencontrer le succès en offrant justement l’immédiateté, l’absence de contraintes aussi bien pour les passagers que pour les automobilistes. C’est cela qui a en tout cas intéressé Polvi sans compter le fait que l’application ne coûte rien aux entreprises.

– Connaissiez-vous le Plateau de Saclay avant de vous lancer dans cette aventure entrepreneuriale ?

Oui. J’ai profité du transfert d’activité d’Alstom, de Vélizy à Massy, pour m’en rapprocher. Avec ma femme, qui a poursuivi ses études à la faculté d’Orsay, nous avons aménagé dans cette ville.

– Votre application est-elle destinée qu’aux seuls salariés du Plateau de Saclay?

Non. Nous visons une extension à l’ensemble de l’Ile-de-France. Pour être viable, un service en temps réel comme le nôtre doit pouvoir fonctionner en vase clos, dans une logique communautaire. Or, le seul vase clos dont nous disposons est la Région francilienne qui porte d’ailleurs très bien son nom, l’Ile-de-France. La grande majorité des Franciliens y effectuent leurs trajets domicile travail. Maintenant, ce serait risqué de lancer l’application à une aussi grande échelle sans l’expérimenter préalablement sur un territoire donné, qui ne soit pas non plus d’une trop petite taille. A cet égard, le Plateau de Saclay est approprié. Certes, beaucoup de personnes qui y travaillent, viennent de Paris et ce sera sans doute une des faiblesses du service, durant sa phase d’expérimentation. Autant il sera facile de faire du covoiturage pour des flux en direction de Paris, autant il sera difficile d’en assurer pour ceux qui ont à se rendre à un point précis du Plateau de Saclay, sans occasionner des détours et exposer les automobilistes à la cogestion.

– Pourquoi d’autres que vous n’ont-ils pas pensé à ce genre d’application ?

Détrompez-vous. Beaucoup y ont pensé et depuis longtemps. Il y a sept ans, j’étais déjà loin d’être le seul. Mais, encore une fois, les conditions n’étaient pas encore parfaitement réunies. Désormais elles le sont. D’abord, la technologie est, comme je l’ai dit, disponible : les smartphones se sont largement diffusés. Ensuite, les usages ont évolué : on a pris l’habitude de se déplacer avec des outils de navigation en temps réel que ce soit le GPS, Google maps, Waze et autres Coyote. Enfin, la consommation collaborative tend à s’imposer au point de transformer notre rapport à la voiture : celle-ci est de moins en moins perçue comme le prolongement de son domicile. BlaBlaCar, le Couchsurfing ou encore LeBonCoin, etc. démontrent chacun à leur manière l’aspiration des gens à créer du lien social.

– Vous en êtes actuellement à une phase de préinscriptions. Où en êtes-vous ? Quels sont vos objectifs ?

On perçoit un réel intérêt. Rien que sur le CEA, nous avons un taux de retour de plus de 10% d’inscrits, ce qui est nettement plus que ce qu’obtiennent les campagnes lancées par les plateformes de covoiturage. Notre service suscite l’intérêt de nombreux salariés, qu’ils soient piétons ou automobilistes. Compte tenu du nombre de ceux qui travaillent sur le Plateau de Saclay (de l’ordre de 15 000, comme je l’indiquais tout à l’heure), on escompte 3 000 inscrits, soit 20% d’entre eux. Il est clair que plus les inscrits seront nombreux, plus les demandes de piétons pourront être satisfaites. On n’évitera pas cependant une surreprésentation des automobilistes : le territoire est si mal desservi que les salariés sont plus nombreux à s’y rendre en voiture. Tout le contraire de la Défense où l’on se rend principalement par les transports en commun. Ce déséquilibre n’en rendra que plus facile la maximisation des demandes des piétons.

– Que gagnera un automobiliste à y participer ?

Déjà, la satisfaction de pouvoir dépanner ne serait-ce qu’un collègue. Pour cela, il lui suffira de s’arrêter à la gare ou à l’arrêt de bus devant lequel il passerait de toute façon et d’acheminer ce collègue au même endroit où il se rend lui-même. Au-delà, il éprouvera le sentiment gratifiant de se sentir appartenir à une forme de communauté. Mais nous avons conscience que tout cela ne saurait suffire. Une rétribution sera nécessaire pour inciter les gens à activer leur application. Pour cela, nous avons constitué une plateforme de partenaires commerciaux, qui rémunéreront les automobilistes en cadeaux et avantages. Cela étant dit, il ne faudrait pas surestimer le poids de cette motivation. Tous les sociologues ou anthropologues qui ont étudié les services communautaires proposés via une application mobile ou le net, le disent : avant toute chose, c’est le besoin de lien social qui explique le succès spectaculaire qu’ils ont pu connaître ces dernières années. Je ne vois pas pourquoi Smart Autostop dérogerait à cette règle.
Nous faisons le pari que notre automobiliste prendra plaisir à rendre service. Ensuite, nous fondons notre espoir dans le bouche à oreille en faisant l’hypothèse que cet automobiliste ne manquera pas de partager sa satisfaction à avoir pu rendre service en plus de susciter du lien social. Qui sait si des amitiés ne se noueront pas dans la durée ?

– Sur quel modèle économique se fondera SmartAutostop ?

Le service sera payant pour les piétons, selon deux modalités possibles (par abonnement ou par trajet), qui sont encore à l’étude. A ce stade, il ne m’est pas possible d’indiquer un montant précis, si ce n’est qu’il sera dérisoire pour le piéton. En plus des cadeaux offerts par les partenaires, une partie sera reversée aux automobilistes, non pas tant au titre d’une rémunération que pour les inciter à ouvrir leur application aussi souvent que possible. Que celui-ci n’escompte pas gagner plus que quelques dizaines d’euros par mois. Notre objectif est avant tout d’ancrer dans l’ADN du service le sentiment d’appartenance à une communauté d’entraide.

– A l’échelle de l’Ile-de-France, combien escomptez-vous d’utilisateurs ?

Pour être viable, le concept doit pouvoir reposer sur une masse critique d’utilisateurs. En l’occurrence, nous l’estimons à quelque 100 000 personnes à l’échelle de l’Ile-de-France (soit un peu moins de 1% de la population francilienne, mais 3% des propriétaires de smartphone). Cela peut paraître ambitieux, mais en deça, le service risquerait de ne pas fonctionner de manière optimale.

– Comment appréhendez-vous l’éventuelle opposition de corporations comme les chauffeurs de taxi ?

Notre positionnement est clair : il ne s’agit pas de nous substituer aux chauffeurs de taxi ou de les concurrencer, pas plus que les transports en commun, d’ailleurs. Nous sommes dans une logique d’autostop, sur de petites distances et des parcours peu fréquentés par les chauffeurs de taxi. Ceux qui utiliseront SmartAutostop sont a priori des personnes qui auraient naturellement utilisés non pas un taxi, mais les transports en commun. Ce positionnement nous ne nous place pas non plus en concurrence avec les plateformes de covoiturage, que ce soit BlaBlaCar (positionné sur le covoiturage sur longue distance, en concurrence avec les lignes de TGV) ou Uber qui s’est, lui, positionné sur la courte distance temps réel, en concurrence directe avec les taxis.

– Quand pourra-t-on concrètement utiliser votre application ? Quelles échéances vous êtes-vous fixées ?

Nous sommes en train de poursuivre les inscriptions pour une expérimentation d’ici décembre prochain, à l’échelle de Paris-Saclay. Nous prévoyons ensuite une campagne d’information pour gagner en visibilité au-delà, auprès des Franciliens, avec le concours des entreprises impliquées, de nos partenaires commerciaux et de la levée de fonds que nous avons réalisée.

– Comment comptez-vous concilier ce projet entrepreneurial avec votre emploi salarié ?

C’est difficilement conciliable. C’est pourquoi j’ai pris la décision de quitter mon emploi pour me consacrer pleinement à SmartAutostop. Mon contrat a pris fin le 15 octobre dernier !

Si une pré-inscription sur l’application Smart Autostop vous intéresse, cliquer ici.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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