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Paris-Saclay, espace vécu ? Rencontre avec Armand Frémont.

Le 12 décembre 2014

Suite de nos échos aux tables rondes organisées à l’occasion du lancement de l’exposition « Paris-Saclay, le futur en chantier(s) » et pour lesquelles plusieurs personnalités avaient fait le déplacement. Parmi elles, le géographe Armand Frémont, auteur notamment de La région, espace vécu, un classique de la géographie contemporaine. Il a accepté de répondre à nos questions, entre deux conférences.

– Armand Frémont, qu’est-ce qui vous a décidé à assister à ces conférences de lancement de l’exposition « Paris-Saclay, le futur en chantier(s) »?

Je suis d’abord venu à l’invitation de Pierre Veltz avec qui j’ai une longue amitié intellectuelle. Nous avons eu l’occasion de travailler ensemble autour des problématiques d’aménagement du territoire, d’architecture et d’urbanisme. Il y a cependant une deuxième raison : j’ai un double passé avec ce que j’appelle toujours « le Plateau de Saclay ». D’une part, de 1991 à 1997, j’ai été recteur de l’académie de Versailles (après l’avoir été de celle de Grenoble, de 1985 à 1989). On ne parlait pas encore de cluster ni de Campus Paris-Saclay, mais il était déjà question d’assurer une meilleure coordination entre les établissements d’enseignements supérieur. Sans en être le maître d’œuvre, j’encourageais autant que je le pouvais cette démarche. Mais nous n’en étions à l’évidence qu’au stade des velléités, sur fond de défiance et de rivalités entre les acteurs, les municipalités et entre les établissements scientifiques qui étaient très jaloux de leurs prérogatives et de leur autonomie. Malgré leur proximité géographique, les relations de voisinages étaient très faibles. Le recteur que j’étais était d’autant plus démuni, mais j’ai cependant essayé de faire évoluer les mentalités.

– Quel est l’autre passé qui vous lie à Paris-Saclay ?

Il correspond à mes années passées au sein de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) au titre de président du conseil scientifique, de 1999 à 2002. Jean-Louis Guigou en était alors le délégué. A l’époque, Paris concentrait encore les efforts de recherche. Dans son souci de renforcer la décentralisation du territoire, la Datar avait entrepris de délocaliser des établissements d’enseignement supérieur et de recherche vers le reste du territoire. Naturellement, nous nous étions penchés sur le Plateau de Saclay, cas très particulier, tout proche de Paris et qui, dès les années 50-60, avait accueilli des organismes de recherche, dont le CEA, la Faculté d’Orsay, HEC, puis plus tard l’Ecole polytechnique.

– Comment interprétez-vous l’apparente rapidité avec laquelle ces établissements sont parvenus à se fédérer au sein de l’Université Paris-Saclay ?

Cette rapidité ne me surprend pas plus que cela. D’abord, le rapprochement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche est dans l’air du temps : tous mes amis scientifiques sont avides d’être en phase avec les évolutions qui se produisent dans le monde ! Or, depuis une dizaine d’années, le mouvement est d’aller vers l’accroissement de la taille des établissements, pour gagner en visibilité au plan international. Faut-il céder à cette mode ? La question mérite d’être posée.

Cela étant dit, cette dynamique ne se serait pas produite sans la détermination de plusieurs personnalités, parmi lesquelles, bien sûr, Pierre Veltz, qui a le mérite de savoir parler aussi bien aux scientifiques et aux ingénieurs – polytechnicien de formation et titulaire d’un doctorat, il est habilité à dirigé des recherches et a contribué à la création de laboratoires de recherche – comme aux enseignants – il a dirigé l’ENPC – tout en ayant des compétences en matière d’aménagement – outre ses contributions aux travaux de la Datar, il a dirigé l’Institut des hautes études de développement et d’aménagement des territoires en Europe (IHEDATE).

– En quoi le fait que l’Université Paris-Saclay s’inscrive dans un projet d’aménagement a pu aussi expliquer la rapidité de sa création, malgré le traditionnel antagonisme entre grandes écoles et  les universités ?

Comme je l’ai dit, c’était dans l’air du temps, mais les scientifiques seuls seraient-ils parvenus à mener un projet de cette envergue ? On peut en douter. Il fallait que le projet d’université soit en symbiose avec d’autres opérations comme celles menées dans le cadre du Grand Paris, pour prendre réellement corps. Pour l’heure, je ne connais pas assez le dossier pour en dire plus, mais je compte m’y intéresser d’un peu plus près car pour le géographe impliqué dans les problématiques d’aménagement du territoire, et ancien recteur d’académies, il n’y a pas plus intéressant à suivre qu’une dynamique combinant un double projet d’université et de cluster.

– En quoi ce territoire de Paris-Saclay pourrait-il être un « espace vécu » ?

Un espace vécu ne se décrète pas. Sa formation demande du temps. Il faut que les personnes qui y vivent se l’approprient et s’y projettent, y compris sur le plan de l’imaginaire. Des opérations d’aménagement comme celle de Paris-Saclay se mènent d’ailleurs sur plusieurs décennies. Je vous donne donc rendez-vous dans… 50 ans !

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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