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Agriculture & Alimentation

Paris-Saclay en mode Living Lab (suite).

Le 12 août 2018

Le 10 juillet 2018, Terre & Cité organisait au centre INRA de Versailles, une journée d’échanges avec divers acteurs impliqués dans la préfiguration du Living Lab. Nous y étions. En voici un premier écho. D’autres suivront au travers des témoignages de diverses personnes y ayant participé.

En octobre 2017, Terre & Cité coordonnait une première journée sur le thème de Paris-Saclay comme Living Lab. C’était à Massy, sur le site d’AgroParistech. Une journée riche dont nous avions rendu compte à travers un entretien avec Thierry Doré, professeur d’agronomie et directeur de la recherche et de la valorisation d’AgroParisTech, qui y avait participé (pour accéder à cet entretien, cliquer ici).
Quelques mois plus tard, le 10 juillet dernier, Terre & Cité et ses différents partenaires – l’APPVPA, l’Inra, AgroPAris-Tech, le Labex BASC et les communautés d’agglomérations associées à la démarche (SQY, Versailles Grand-Parc et la Communauté Paris-Saclay) – donnaient rendez-vous, cette fois à un cercle restreint et néanmoins représentatif d’acteurs pour réfléchir plus spécifiquement sur le volet économique d’un tel Living Lab (ce que suggérait bien l’intitulé de la journée : « Un Living Lab créateur de valeur pour les territoires agri-urbains »).

Deux dispositifs expérimentaux historiques

Le lieu était en adéquation avec l’enjeu des discussions, puisqu’il s’agissait du centre de recherche de l’Inra Versailles, qui démontre depuis sa création au XIXe la capacité de chercheurs et ingénieurs agronomes à travailler avec des acteurs du territoire, à commencer par les agriculteurs, pour améliorer l’efficacité de leurs systèmes productifs, au plan environnemental, mais aussi économique. La journée débutait d’ailleurs par une visite de deux dispositifs expérimentaux qui font la fierté du centre et pour cause, ils sont uniques et historiques.
Le premier, dédié à des essais et dénommé La Cage, a été créé en 1998. Mobilisant pas moins de 12 ha, il permet d’évaluer sur la durée les rendements de systèmes productifs parmi les quatre suivants : un système intensif, correspondant aux pratiques de la Région Ile-de-France ; un système intégré, recourant à un bas niveau d’intrants ; un système sous couvert végétal (sans intrants chimiques, donc) ; enfin, le système d’agriculture bio. La Cage s’apparente à un damier de huit « sous-parcelles » (chaque système étant reproduit deux fois avec un décalage d’un an, s’agissant de la culture). Nous nous laissons convaincre de l’intérêt du dispositif, qui permet d’apprécier aussi l’évolution du substrat dans la durée, non sans nous interroger sur la proximité des sous parcelles. Nous nous risquons à poser la question : les plus « écologiques » ne risquent-elles pas d’être contaminées par les autres ? Le fait est, admet l’ingénieur agronome de l’Inra, qui assure la visite : il y a des « effets de bordure ». Impossible, par exemple, d’y cultiver du colza, sans que pour autant un système en particulier ne soit en cause. La faute en revient à des insectes amateurs de cette plante annuelle et qui se reproduisent dans le massif forestier tout proche. La faute aussi à des moyens alloués à la recherche, substantiels, mais pas au point de permettre aux chercheurs de disposer de plus d’ha. Le dispositif expérimental n’en est pas moins instructif. Concernant l’agriculture bio, s’il montre des gains peu évidents à court terme, en revanche, il met en évidence un phénomène de rémanence, qui augure de rendements appréciables à plus long terme.
Notre guide, qui se trouve avoir participé à la création du dispositif expérimental, n’en cache pas cependant le coût et ses faiblesses (étant à ciel ouvert, il endure les effets des aléas météorologiques au même titre que n’importe quelle autre parcelle). De là l’exploration de dispositifs alternatifs (non pas au sens où ils se substitueraient, mais au sens où ils seraient complémentaires) comme, par exemple, l’installation de moyens de suivi, in situ, sur les parcelles d’agriculteurs partenaires. Une solution adaptée à l’heure du numérique et de la géolocalisation.

L’autre dispositif expérimental est encore plus ancien : il a été créé en 1928, soit il y a près d’un siècle. Constitué de pas moins de 42 parcelles de l’ordre d’un m2, il a pour rôle d’évaluer l’impact d’intrants chimiques et d’amendements dans l’évolution d’un sol limoneux typique de la région. Pas besoin d’être grand clerc ni expert, pour se rendre compte, rien qu’à l’œil nu, des effets délétères d’intrants chimiques sur le sol, sa structure et sa porosité.
Et une personne, qui assiste à la visite, de souligner à voix haute que les ingénieurs agronomes disposaient donc de quoi évaluer l’impact de l’agriculture conventionnelle bien avant que celle-ci ne prenne son essor au lendemain de la Seconde Guerre mondiale… Et la même de s’interroger alors pourquoi ils n’ont pas été en mesure d’attirer l’attention des premiers intéressés… Pour notre part, nous nous permettrons d’invoquer la croyance dans le Progrès, qui pouvait jusqu’à une période récente justifier ce qu’on n’appréhendait pas encore comme des atteintes à l’environnement.

IconoLivingLab18JolyProduits du terroir Paris-Saclay, au menu

Après une pause déjeunatoire (comme on dit maintenant) particulièrement appréciée et pas seulement parce que la visite du matin avait creusé l’appétit (le menu comportait de la charcuterie, des fromages et du jus de pomme de la Ferme de Viltain, du  pain et de tout aussi fameux cookies de chez Vandame…), entrée dans le vif du sujet au travers une série de discours et d’interventions de personnalités dont la liste confirmait s’il en était encore besoin d’une mobilisation générale, mult-échelle, autour de ce projet de faire de Paris-Saclay un Living lab. Qu’on en juge : des représentants des trois communautés d’agglomération (Saint-Quentin-en-Yvelines, Versailles Grand Par cet Paris-Saclay), qui ont tenu à rappeler leurs « orientations stratégiques et intérêt » pour ce dernier ; Alexandra Dublanche, Vice-Présidente de la Région Ile-de-France, qui avait fait le déplacement, malgré un agenda qu’on imagine contraint, tenant, elle, à réitérer le soutien de région pour ce même dispositif, qui traduit bien, sa volonté de valoriser la composante rurale et agricole du territoire francilien ; Pascale Ribon (Déléguée générale de l’Université Paris-Saclay) et Paul Leadley (coordinateur du Laboratoire d’Excellence – LabEx – Biodiversité Agro-Systèmes, Société, Climat), qui ont remis en mémoire l’organisation et la structuration de la recherche telle que promue sur le territoire de Paris-Saclay ; Xavier Laureau (président du Collège Agriculteurs de l’APPVPA*, un drôle imprononçable pour une association qui n’en souligne pas moins les enjeux patrimoniaux du Living Lab) et Thomas Joly (qu’on présente encore moins, puisque c’est le Président de Terre et Cité), auxquels revenait le soin de présenter les contextes respectifs des Plateaux de Versailles et de Saclay (photo ci-contre). Beaucoup de discours donc, mais que l’on aura entendus sans avoir vu passer le temps, tant les intervenants ont su communiquer avec conviction et esprit de concision, le gardien du temps, incarné par Camille Michon, la présidente du centre Inra, assumant il est vrai pleinement son rôle, en prononçant elle-même des mots d’accueil en 10 mn top chrono, comme annoncé dans le programme.

Un Living Lab sans concertation

Puis direction… le Québec pour une présentation d’une bonne demi heure de l’Acadie Lab, par deux de ces animatrices – Virginie Zingraff (Directrice générale de Rang 3) et Julie Ruiz (Co-directrice de Rive, à l’Université de Québec) qui avaient, notons-le au passage, traversé l’océan Atlantique pour l’occasion, et pour le grand plaisir des participants (à qui ne seraient pas venus à l’esprit de leur reprocher les émissions de gaz à effet de serre, tant leur témoignage a été vivant et su leur donner le sentiment d’y être !).
Le principe de cet Acadie Lab ? Fonctionner comme… un « laboratoire vivant » (comme elles disent, en bonnes québécoises, pour ne pas abuser d’anglicismes), porté par une association à but non lucratif, subventionnée par les pouvoirs publics, et qui prend le parti d’avancer à partir de projets impulsés par les agriculteurs eux-mêmes. Soit une démarche bien différente du Living Lab telle que préfigurée à Paris-Saclay, comme elles ne manqueront pas de le souligner elles-mêmes à l’issue de la journée, quand elles seront appelées à réagir aux restitutions d’ateliers (sur lesquelles on revient plus loin). De fait, avec Acadie Lab, nulle thématique définie en amont, encore moins, comme elles le disent en toute simplicité, de concertation au sens classique du terme (c’est-à-dire consistant pour l’essentiel à réunir des citoyens avec un souci de plus ou moins grande représentativité et toutes les problématiques sinon limites de l’exercice : des participants parmi les plus disponibles (ie pouvant se rendre à des réunions programmées en fin de journée, en centre-ville…, certains monopolisant la parole, sans qu’au final on n’aboutisse à des actions concrètes et engageantes pour les participants eux-mêmes…). Et l’Acadie Lab d’assumer les contreparties de ses choix, à commencer par des risques d’erreurs voir d’échecs, s’inscrivant en cela dans une démarche résolument entrepreneuriale et donc pragmatique pour ne pas dire itérative. De gouvernance, il est naturellement question, mais « en constellation », c’est-à-dire en fonction des projets. Histoire que chacun s’emploie à avancer dans le même sens, d’éviter les comportements contreproductifs, une charte a fini par être élaborée pour rappeler à toutes fins utiles les principes de base à respecter.

IconoLivingLab18intérieurRegards croisés sur huit thématiques

Quoiqu’encore l’esprit un peu au Québec, nous étions invité avec les autres participants à nous prêter au jeu d’une double série d’ateliers. Pour les besoins de la première, nous étions répartis par catégories d’acteurs (institutions, privés et chercheurs) pour évaluer la pertinence de pas moins de huit thématiques susceptibles d’orienter les actions du Living Lab. Des « agro-écosystèmes » et de leur contribution à la qualité et l’attractivité des espaces agri-urbains », à la manière de mettre « les nouvelles technologies au service de l’intelligence collective », en passant par « les modèles économiques pour une gestion partagée des espaces ouverts, du paysage et de la biodiversité » ou encore la manière d’encourager à une échelle locale des comportements vertueux pour répondre aux grands enjeux climatiques et environnementaux », les participants avaient matière à phosphorer, malgré le caractère parfois rebutant de certaines formulations (ce dont avaient d’ailleurs conscience les organisateurs, qui prirent le temps de s’assurer préalablement que le public saisissait pleinement le sens des thématiques…).
Quant à la seconde série d’ateliers, elle invitait les participants (cette fois répartis en groupes hétérogènes) à discuter autour des commentaires inspirés par une des huit thématiques. Pour notre part, nous avons planché sur les conditions à même de rendre « les filières courtes et de proximité pertinentes ». Non sans faire observer à quel point cette thématique était pertinente dans le contexte de Paris-Saclay, un territoire en passe de renouer avec une agriculture maraîchère tournée vers le marché local tout en répondant le cas échéant à des enjeux sociaux ainsi qu’en témoigne, entre autres exemples, le Réseau Cocagne, implanté dans la ferme de Vauhallan (avec pour vocation, rappelons-le, d’aider à la réinsertion de personnes en grande précarité, par de l’activité maraîchère). A quel point aussi il y avait à réfléchir à la nécessité d’y associer… les zones commerciales implantées sur le territoire et avec lesquelles il faut bien composer, qu’on le veuille ou non.

IconoLivingLab18restitutionIMG_5044En attendant la ligne de métro automatique

L’exercice de restitution assurée par un/une participant-e de chaque atelier, devait confirmer l’impression générale : des échanges riches, animés tout en restant constructifs. Et pour clore cette journée, une intervention de la députée Amélie de Montchalin, qui a tenu à témoigner de son intérêt pour le projet de Living Lab dans le contexte de Paris-Saclay, qui, souligna-t-elle, concentre toutes les compétences requises pour innover en matière de production agricole et maraîchère, de distribution, d’alimentation, etc. La même ne résistant pas à l’envie de citer la ferme de Viltain, un exemple de démarche d’innovation territoriale, il est vrai. De notre côté, nous n’avons pas résisté au besoin de nous interroger à haute voix sur la manière dont un Living Lab Paris-Saclay pourrait ainsi prendre corps, en l’absence, durant encore plusieurs années, d’une ligne de transport automatique facilitant l’accessibilité du Plateau de Saclay. La réponse donnée a valeur de scoop : la députée laissa entendre que sa construction pourrait être avancée d’un peu plus d’un an. Patience, donc. La même de s’interroger « en même temps » sur la nécessité de convaincre encore du bien fondé d’une telle ligne, en tout cas dans sa conception actuelle (métro lourd, avec une partie aérienne)…

Il est 19 h 30 alors que la journée devait se clore une demi heure plus tôt. La gardienne du temps aura donc manqué de vigilance… Nous-même n’aurons guère vu le temps passer.. Ce qui est toujours bon signe quant à la réussite d’une journée d’échanges. Et puis, il nous reste encore un peu de temps pour regagner le centre de ville le plus proche pour assister au match de la demi finale, France-Belgique… On connaît la suite. Qu’il nous soit permis d’en souhaiter une aussi positive au Living Lab.

En attendant, nous vous en disons plus à travers les témoignages de la représentante d’une des communautés d’agglomération associée au projet, d’un startupper et d’une directrice de recherche :

– la représentante de la communauté d’agglomération, celle de Saint-Quentin-en-Yvelines : Claire Martinet, chargée de mission « agriculture locale et circuits courts » (pour y accéder, cliquer ici) ;

– le startupper : Pierre Plevin, un ancien de l’Estaca, président et cofondateur de Selfeden, une start-up qui développe des solutions IoT pour mesurer et piloter tout type d’environnement de culture (cliquer ici) ;

– enfin, la directrice de recherche (à l’Inra) : Marianne Cerf (cliquer ici).

* Association Patrimoniale de la Plaine de Versailles et du Plateau des Alluets.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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