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Entrepreneuriat innovant

Parcours d’un serial entrepreneur.

Le 7 juillet 2014

Après un début de carrière au sein de grandes entreprises, dans le conseil et une longue expérience du monde des start-up, Philippe Moreau dirige IncubAlliance depuis fin 2012. Tout en continuant à s’investir personnellement dans des projets innovants.

De formation, Philippe Moreau est ingénieur physicien. Non pas, prévient-il, d’une des écoles du Plateau de Saclay, mais de l’Institut polytechnique de Grenoble, situé au cœur du fameux écosystème grenoblois. C’est dire s’il est sensible à la dynamique de cluster impulsée sur le territoire où il officie désormais, entre autres activités, au titre de directeur d’IncubAlliance, qu’il a rejoint à la fin 2012.

Un spécialiste des télécoms

Tout ingénieur qu’il fût, il a appris très tôt à parler la langue des entrepreneurs. Car à son diplôme d’école d’ingénieur, il a ajouté, en 1987, un  MBA, dans le souci, dit-il, d’acquérir cette double culture technologique et managériale. S’il a depuis eu plusieurs créations de sociétés à son actif, il a débuté sa carrière professionnelle en mettant d’abord ses compétences de jeune ingénieur au service de grands groupes, dans deux secteurs successivement : l’ingénierie électrique puis les télécoms. Un secteur qu’il n’a manifestement pas perdu des yeux : rien de l’actualité récente ne lui a échappé et pour peu que vous abordiez le sujet avec lui, il devient intarissable !
Après une dizaine d’années de bons et loyaux services au sein de grands groupes, puis de cabinets de conseil parmi les plus prestigieux (Gemini Consulting entre autres), il se met à son propre compte en créant une première société de conseil dans les… télécoms. Ses clients ont pour noms Nokia, Alcatel, Orange… Il opère aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis.
Parallèlement, il s’implique dans la création de plusieurs start-up. « Nous étions au début des années 2000 avec l’émergence, à Paris, de Republic Alley, et l’apparition des premiers incubateurs. » Sa première start-up voit le jour en 2001. « Déjà, elle valorisait le principe de la mutualisation en l’appliquant à la gestion des sites de télécommunications. » Explication : « Nous étions en plein déploiement des infrastructures pour la téléphonie mobile, lequel passait par l’installation d’antennes-relais. Une course contre la montre s’était engagée entre opérateurs pour préempter les toits et les terrasses sur lesquels ils pouvaient les installer. Le défi n’était pas tant technique que de trouver les emplacements et de convaincre les syndic de copropriété. Les Anglo-saxons étaient une fois encore en avance : dès les années 80, ils avaient inventé un nouveau type de métier et d’entreprises: les Tower Companies.» Positionnées entre les syndic et les opérateurs, celles-ci proposaient d’équiper les sites disponibles pour ensuite les mettre à disposition de l’ensemble des opérateurs dans une logique de mutualisation. « Une démarche que nous avons cherché à introduire en France. » En vain : chaque opérateur persistera à vouloir gérer son propre parc de sites. « Nous étions en outre suspendus à l’arrivée du 4e opérateur. » Lequel (Free, en l’occurrence) n’est arrivé que bien plus tard.

Un échec formateur

Par chance, cette première excursion dans le monde des start-up ne se solde pas par un revers financier. « Nous nous en sommes sortis en revendant le portefeuille de sites que nous avions constitué. »
Ainsi donc, c’est par un échec (somme tout relatif) que Philippe Moreau débute son parcours d’entrepreneur. Ce qui ne l’affecte pas plus que cela : « Autant l’échec est encore mal perçu en France, autant il est, dans les pays anglo-saxons, considéré comme inhérent à la vie de tout entrepreneur. » Et le même d’interroger : « Pour autant, peut-on parler d’échec en l’espèce ? Après tout, nous nous en sommes sortis sur le plan financier. Et puis, à l’évidence, notre concept était pertinent. Il arrivait juste trop tôt.» De fait, la solution a été imposée depuis par le régulateur du secteur (l’Arcep). « Nous nous sommes juste heurtés aux réticences des directeurs opérationnels qui pouvaient craindre pour l’avenir de leur propre métier… » Philosophe, Philippe Moreau ajoute : « Face au changement, les organisations des grandes entreprises savent aussi opposer une force d’inertie…» Et le même de relever une différence de culture de part et d’autre de l’Atlantique et de la Manche : « En France, des technologies ont beau être mûres, aller dans le sens de l’histoire, elles peuvent se heurter à des résistances, au contraire des pays anglo-saxons et nordiques où elles sont adoptées en général plus vite. »
Si sa première expérience de start-up avait bénéficié de la bienveillance de Business Angels, en revanche, elle n’avait pas disposer des ressources d’un incubateur. Au début des années 2000, il en existait pourtant, la plupart privés. Quand on lui demande pourquoi il n’en avait pas sollicité un, Philippe Moreau reconnaît une erreur d’appréciation ! A sa décharge, il met aussi en avant la propension de ces derniers à héberger de préférence des start-up davantage tournées vers le software que l’infrastructure lourde.

L’investissement dans le monde des start-up

Quoi qu’il en soit, il ne renonce pas à s’impliquer dans le monde des start-up. Au contraire, l’intérêt pour lui est conforté par les constats qu’il peut faire au titre de son activité de conseil auprès de grands groupes. « Force est de constater qu’ils ont en leur sein de réelles opportunités d’innovation, mais qui n’aboutissent pas. Des dossiers intéressants atterrissent sur les bureaux de managers qui ne disposent ni de la volonté ni des moyens de les traiter. » C’est ainsi que Philippe Moreau en vient à créer sa seconde société de conseil, travaillant à la fois avec les grandes sociétés technologiques et industrielles et les start-up,  dans lesquelles il n’hésite pas à investir dès lors qu’il juge leur projet intéressant.
Parmi les premiers projets qu’il accompagne : un portail mobile, qui permettait de bénéficier de ventes flash. Nous sommes au milieu des années 2000. Malheureusement, ledit projet ne décollera pas. « Conçu sur la base d’une technologie Wap pour des réseaux de génération 2.5, il était arrivé trop tôt, avant l’essor du Smartphone, autrement plus adapté. ». De nombreux porteurs de projet en ont depuis repris le principe.
D’autres start-up seront accompagnées par Philippe Moreau, notamment dans le domaine du Wimax. « Une norme Télécom qui permettait de faire du haut débit radio (sans fil), au-delà de la 3 G, dont on disposait à l’époque. » Une époque pas si lointaine puisque nous sommes en 2008. L’intérêt est manifeste pour les zones rurales ou montagneuses qui ne peuvent être couvertes en filaire. L’innovation réside aussi dans le modèle économique proposé : « Le choix le plus courant était d’adopter la logique du Partenariat Public Privé [PPP] avec les collectivités locales (qui désormais peuvent être opérateurs de Télécom), pour offrir du haut débit à ceux qui n’avaient pas l’ADSL. » De nombreux opérateurs ont ainsi été créés en France ou à l’étranger, mais, comme chacun sait, dans l’univers des nouvelles technologies, les choses évoluent à vitesse grand V. « Cette techno est vite tombée en désuétude. »

L’attrait des écotechnologies

Aujourd’hui, un autre domaine retient l’attention de Philippe Moreau : celui des écotechnologies. Autrement dit des technologies qui permettent de produire aussi propre et économe que possible. Pourquoi cette marque d’intérêt ? « En plus de satisfaire mon goût pour les technologies en général, elles offrent la possibilité de manifester une responsabilité sociale.» Et le même d’ajouter : « Si nous voulons réussir la transition énergétique, il nous faut réinventer tous nos produits et process. »
A titre individuel, il s’est lui-même engagé il y a trois ans dans un projet mené dans le Sud-Ouest et consistant à mettre en place des… poubelles intelligentes. « Une ville comme Paris compte 30 000 poubelles, vidées deux fois par jour, au prix de la mobilisation de centaines de personnes. Notre solution consiste à les connecter de façon à ne les vider que quand elles sont pleines et réduire ainsi l’impact environnemental des bennes en optimisant leurs déplacements. » L’équipe qui porte le projet est actuellement hébergée sur la technopôle d’Izarbel et vient d’être labellisée par le Pôle de compétitivité Aerospace valley. Si la société n’a pas encore été créée, en revanche, un brevet a d’ores et déjà été déposé.
Mais pourquoi investir si loin ? Le Plateau de Saclay n’est-il pas une terre favorable aux écotechnologies ? « Bien sûr que si. Seulement, rien d’interdit d’être attentif aux pépites qui émergent sur d’autres territoires et dont lui-même pourrait bénéficier. »

Pour accéder au second volet du portrait de Philippe Moreau, cliquer ici.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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