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Interactions Homme Machine, au prisme du design et de la création.

Le 19 janvier 2018

Le 23 janvier 2018, les étudiants des Masters « Interaction» et « Human Computer Interaction and Design » de l’Université Paris Sud – Paris Saclay exposent leurs « œuvres » au PROTO204. À l’initiative de cette exposition éphémère (la 3e du genre), Sarah Fdili Alaoui, enseignante-chercheuse du LRI (Université Paris-Sud11 / Paris Saclay), par ailleurs chorégraphe, que nous avons déjà eu l’occasion d’interviewer. Elle nous en dit plus sur ses motivations et la manière dont l’écosystème Paris-Saclay a pu l’inspirer.

IconoSarah2018Portrait2– Si vous deviez présenter cette exposition ?

Commençons par préciser d’emblée que c’est la troisième du genre que nous organisons et qu’elle ne dure que le temps du vernissage. Une exposition éphémère, donc, destinée à présenter les œuvres réalisées par les étudiants des Masters « Interaction » et « Human Computer Interaction and Design » de l’Université Paris-Saclay, en partenariat avec l’EIT Digital Master School, pendant leurs cours de Creative design, d’une part, de Design project, d’autre part. Cette année, la démarche a été élargie à d’autres cours : celui de Digital fabrication, dispensé au FabLab Digiscope, et de Mixed Reality & Tangible Interaction.
Des cours qui ont pour particularité de solliciter la créativité des étudiants. Il s’agit d’aller au-delà de considérations relatives aux usages, d’une vision de la technologie comme solution à des problèmes. Cette année, les étudiants étaient invités à travailler sur une thématique soulevant un questionnement sociétal sinon politique. Dans le cours de Digital fabrication, il leur a été demandé de réfléchir plus particulièrement à leur rapport au féminisme et de fabriquer dans le FabLab Digiscope des objets connectés, en rapport avec cet enjeu. De manière générale, ils sont invités à sortir de la posture classique de l’ingénieur ou de l’informaticien, en n’hésitant pas à assumer une part de subjectivité et défendre une opinion personnelle.

– Quelles sont les autres particularités de cette « exposition » ?

Elle est l’occasion de confronter les étudiants à un vrai public et d’expérimenter ainsi leurs œuvres ou dispositifs dans des conditions réelles. Pour eux tout comme pour moi, elle est aussi un moyen d’évaluer leur travail autrement que selon le mode classique de l’examen écrit ou oral. Une pratique empruntée aux écoles d’art ou de design où on considère que le travail est abouti quand il a pu se confronter au regard d’un vrai public. A travers cette exposition, c’est donc aussi un autre modèle pédagogique que j’explore.

– Pouvez-vous préciser la nature des « œuvres » de vos étudiants ? Sont-elles individuelles ou collectives ?

Il s’agit pour l’essentiel d’installations interactives, réalisées par groupe de deux ou trois étudiants, intégrant du numérique, des caméras, des capteurs de proximité ou de toucher, et avec lesquelles le public sera donc amené à interagir dans une logique, je le répète, d’expérimentation : ces installations ne répondent pas à un besoin d’usage ordinaire. Nous sommes bien en cela dans l’esprit du Master « Human Computer Interaction », qui est de s’intéresser d’abord aux effets sur l’humain des interactions avec la machine. Mais il y aura aussi des objets fabriqués à partir des équipements du FabLab Digiscope (imprimante 3D, découpe laser) et d’autres encore, connectés (l’expérimentation sera là encore l’occasion d’apprécier les effets induits par la manipulation de ce genre d’objets).

– Qu’est-ce qui, entre la volonté de promouvoir de l’interdisciplinarité et prendre position dans les débats lancinants sur les interactions Homme Machine (en en donnant en l’occurrence une vision plus rassurante), vous a le plus motivé à organiser ce type d’exposition ?

Il est clair que la pluridisciplinarité sous-tend l’esprit de cette exposition. Elle est au cœur de ma propre démarche de chercheuse comme j’ai d’ailleurs pu en témoigner dans le premier entretien que je vous ai accordé [pour y accéder, cliquer ici]. Les cours que je donne sont délibérément à cheval sur plusieurs disciplines. Ceux du Master Human Computer Interaction, en particulier, ouvrent sur de la performance augmentée et de l’art numérique. De manière générale, j’aime amener mes élèves à se confronter à des questions plus interdisciplinaires que ce à quoi leur cursus a pu jusqu’ici les former.
Quant à savoir, maintenant, s’il s’agit de proposer une vision apaisée des interactions Homme Machine, je dirai que la réponse revient aux étudiants eux-mêmes. De prime abord, leurs installations instaurent un rapport ludique du public à la technologie. Elles n’ont pas vocation à leur faire peur. Pour autant, elles n’en soulèvent pas moins, pour la plupart, des questionnements proprement politiques sinon sociétaux, aussi concrets que la place des objets connectés dans notre environnement quotidien, les risques que fait courir la circulation de données personnelles, etc. De ce point de vue, certaines « œuvres » ne sont pas sans alimenter un certain alarmisme. De fait, et c’est une conviction que je partage, les technologies ne sont jamais neutres, leur finalité purement fonctionnelle. Concevoir des technologies ne consiste pas seulement à répondre à des besoins d’utilisateurs qui seraient définis a priori. Elles affectent nos usages, nos comportements et jusqu’à l’orientation de nos choix. Leur mise en œuvre s’inscrit dans un agenda sinon un modèle économique, qui peut avoir des effets sur l’emploi, l’organisation du travail, etc. De là le nécessaire esprit critique qu’on doit continuer à exercer. Et s’il y a quelque chose qui peut y aider, c’est l’art précisément, par le recul qu’il permet de prendre, le pas de côté qu’il fait faire non sans susciter du même coup une prise de conscience des effets de la technologie sur la société et sur nous-mêmes.

– Quelle est la part que cette exposition doit à des initiatives extérieures à Paris-Saclay et celle qu’elle doit à cet écosystème ? En d’autres termes, dans quelle mesure ce dernier a inspiré votre démarche ?

Au cours de ma formation, je suis passée par la School of Interactive Arts and Technology, une école canadienne, où les étudiants suivaient des cours à l’interface de plusieurs champs disciplinaires ou de recherche (entre la réalité augmentée et l’art, la visualisation de l’information et la communication, par exemple). Nous avions ensuite la possibilité de montrer nos œuvres à un public extérieur. Il en résultait une dynamique intéressante pour les étudiants – dont le travail pouvait trouver des prolongements – comme pour l’école, qui gagnait, elle, en visibilité. Une expérience qui, comme vous l’aurez deviné, m’a inspirée dans le montage de cette exposition à Paris-Saclay.
Cet écosystème s’est cependant révélé aussi très favorable à ce genre de démarche. On en voit déjà tout le potentiel en design d’interaction (objet d’un de nos Masters), à travers plusieurs initiatives portées par l’Université Paris-Saclay (The Design Spot, qui vient d’être inauguré, par exemple) et d’autres établissements d’enseignement supérieur (je pense au laboratoire dédié dont s’est doté l’ENS Paris-Saclay). Reste maintenant à connecter toutes ces initiatives, à jeter des passerelles entre des gens qui gagneraient à se rencontrer et dialoguer plus avant. Si l’exposition que nous organisons peut y contribuer et par la même permettre à nos élèves de saisir des opportunités de stage (pourquoi s’en cacher, c’est une autre finalité de notre démarche), tant mieux.

– Une belle illustration, au passage, de cette tendance que nous observons, à savoir l’émergence d’une véritable communauté Paris-Saclay sous l’effet des multiples événements qui se déroulent dans l’écosystème. Un mot encore, si vous le voulez bien, sur le lieu où ce déroulera l’exposition – le PROTO204 – et qui a justement pour vocation de connecter les communautés d’étudiants, de chercheurs, d’entrepreneurs… Est-ce d’ailleurs pour cela que vous l’avez choisi ?

Oui, parce que c’est effectivement important de fédérer une communauté de Paris-Saclay au travers d’événements, qui incite tout un chacun à sortir de son laboratoire, bureau ou de tout autre institution…

– A faire du hors les murs, en somme…

A faire du hors-les-murs, en effet. Et s’il y a un lieu qui permet de le faire, c’est bien le PROTO204, un lieu ouvert, accueillant, qui a vocation à connecter des communautés qui ne peuvent que gagner à se rencontrer. Jusqu’ici l’exposition était organisée dans notre laboratoire. C’est la première fois que nous l’organisons au PROTO204, ce qui, comme nous l’espérons, devrait permettre d’atteindre un public plus large.

Pour en savoir plus sur l’exposition et s’y inscrire, voir la rubrique agenda du site.

En illustration de cet article : des installations de l’édition 2017 de l’exposition.

Sylvain Allemand
Sylvain Allemand

Journaliste

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